368 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
qui existât en Allemagne, la prussienne, et par-dessus tout un éclectisme intelligent, autant d'éléments qui assurèrent le succès de Fischer. Ses publications flattaient par leur allure à la fois libérale et germanique. Eclectiques, accueillantes aux étrangers, en particulier aux Scandinaves, tout en écartant doucement l'influence française, elles agissaient dans le sens national, préparaient l'avenir d'une plus grande Allemagne intellectuelle. La province aussi était à la tâche. Mais les mots d'ordre qui en partaient n'étaient pas toujours ceux de Berlin. Il faudrait signaler les efforts de Diedrichs d'Iéna, visant à retrouver dans le passé allemand, et, malgré un peu de teutomanie, chez les Russes et les Français, les éléments d'une régénération morale, et à constituer une tradition allemande plutôt que prussienne. Même orientation, avec plus de pédanterie, dans les collections du Kunshvart, qui devait faire l'éducation esthétique de la petite bourgeoisie. Ce n'est qu'avec Y Insel-Verlag de Leipzig qu'a commencé de poindre l'esprit artiste. Ici la note fut dès le début franchement cosmopolite. Il faut, disait Van de Velde, chercher' partout, à l'étranger aussi bien qu'en Allemagne, les maîtres de la civilisation nouvelle. Verhaeren, Gide, y prirent une place -d'honneur à côté de Wilde, de Hofmannsthal, de Rilke. Plus de typographie gothique, mais, ce qui était une petite révolution, le signe d'un renoncement à certaine foi tudesque, de claire et belle romaine, et des livres nets, sobres, corrects, à l'anglaise. A la présentation de ces ouvrages et de ceux d'éditeurs comme Paul Cassirer, on reconnaissait qu'une partie au moins de l'Al- lemagne, celle qui souffrait d'être amorphe, qui tendait au %\.y\t, s'orientait vers nous. Les formes du Midi lui semblaient bonnes à contenir l'âme du Nord.
Quelles modifications la guerre a-t-elle apportées aux concep- tions des missionnaires du livre ? Triomphante, elle eût été pour eux aussi l'occasion d'étendre le domaine de leur organi- sation. Au début, presses et auteurs furent mobilisés ; Haupt- mann, Thomas Mann, Dehmel donnèrent de la voix; des collec- tions pour servir à l'histoire contemporaine — entre autres celle de Fischer — furent lancées, où l'on exaltait le Gocheii, YEmdeii, la liberté allemande, la mission allemande, la Prusse et son empreinte. Cela ne dura guère, et il est assez curieux de
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