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366 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

qu'elle était désordonnée et que l'Allemand lui-même ne s'y retrouvait pas, est-il possible de distinguer des valeurs nou- velles, de les démêler des anciennes ? Cela exigerait une lon- gue investigation. Elle n'est pas impossible. Une première et intéressante démarche consisterait à faire le tour par l'extérieur, à prendre les catalogues de librairie, dont l'examen est sugges- tif. Les éditeurs allemands facilitent la besogne. Tous les ans ils publient en commun une liste des ouvrages nouveaux qui peuvent intéresser le grand public. En outre, quelques maisons particulièrement actives, Fischer, Diedrichs, l'Insel-Verlag, Kurt Woltî, offrent régulièrement à la clientèle comme chez nous les grands magasins, un aperçu de leurs nouveautés. Dans des almanachs de plusieurs centaines de pages, soigneuse- ment imprimés, illustrés et cartonnés, on trouve non seule- ment une bibliographie commode, mais des extraits assez longs, de véritables échantillons du roman, du drame, du recueil de vers qui viennent de paraître. En outre les éditeurs se sont grou- pés pour faire paraître dans le même esprit une publication mensuelle : das Deuische Buch, qui est destinée spécialement à l'étranger.

Il ne faut pas voir seulement une ingéniosité commerciale dans cette innovation. Elle répond autant au besoin qu'a le public allemand d'être guidé, qu'à la volonté de l'éditeur de l'engager dans ses voies, et cette réclame est en même temps une propagande d'idées ; elle fait partie de ce que, dans les vingt années qui précédèrent la guerre, on âppehit Kuli urpol il ik. En même temps que Nietzsche, une élite là-bas s'était rendu compte des dangers du réalisme bismarckien pour la vie spiri- tuelle de l'Allemagne. La civilisation neuve dont on avait attendu l'apparition à un coup de baguette magique tardait à naître, menaçait d'étouffer sous le poids de la matière. D'ardents prosél3'tes se mirent en tête d'aider à sa genèse. L'idée d'orga- nisation hantait leur milieu ; ils entreprirent donc d'organiser l'activité intellectuelle du Reich comme d'autres orsranisaient son industrie, son commerce. Penseurs, poètes, artistes, chacun s'enrôla, voulut prendre sa part de la grandiose tâche collec- tive : l'enfantement d'une civilisation allemande, dont on espé- rait qu'un jour elle serait la civilisation tout court.

Quelques éditeurs d'avant-garde furent des premiers à se

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