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parce que le détachement de Strachey l’aurait détaché du point de vue cosmique lui-même — et on serait libre alors d’y voir ou le comble de la logique, ou la pièce de choix dans la vitrine de ce perspicace collectionneur des illogismes humains.

CHARLES DU BOS

EDITEURS ALLEMANDS.

Une fois de plus le voyageur qui s’arrête aux devantures des librairies en Allemagne est frappé par l’extraordinaire richesse des publications de tous ordres. En 1911, les éditeurs de là-bas lançaient 31.000 ouvrages sur le marché contre 11.000 en France, 10.000 en Angleterre. La proportion demeure aujourd’hui sensiblement la même. Et la qualité matérielle des éditions semble à peine souffrir des conditions économiques du pays. On est étonné du luxe avec lequel sont présentés des livres comme celui de Grautoff sur la peinture française depuis 1914, des revues comme Genius, Feuer. On se demande comment les éditeurs couvrent leurs frais, le lecteur allemand ayant la réputation de prendre ses livres en location plutôt que d’acheter. Mais la clientèle étrangère se trouve attirée par le change, malgré la majoration des prix à l’exportation et la rapacité des courtiers, et l’Allemand lui-même achète plus qu’autrefois. Certains chiffres sont éloquents. De la fameuse et fumeuse dissertation de Spengler : Untergang des Abendlatids, dont le premier tome — 615 pages grand in-8 — revient à cent marks, 53.000 exemplaires s’étaient vendus en 1920. Du Retour de l’enfant prodigue d’André Gide, tiré en 1917 à 25.000 dans la collection à soixante pfennigs, l’Insel a dû donner une nouvelle édition. Des œuvres de Tagore 300.000 exemplaires se sont enlevés. Il y a là le signe d’une activité intellectuelle exaspérée plutôt que ralentie par la guerre. C’est toujours l’élan d’un peuple qui bien que vaincu, peut-être parce que vaincu, entend jeter dans le plateau de la balance toute sa masse, peser de toute cette Wucht dont il est fier, et qui est à la fois poids et mouvement.

Mais la masse ainsi projetée a-t-elle une orientation nette ? La direction du mouvement intellectuel demeure-t-elle celle d’avant-guerre ? Dans une richesse dont on a toujours dit