NOTES - 349
DECADI OU LA PIEUSE ENFANCE, par Paul Ca:-m (Plon-Nourrit).
Décadi est un petit garçon, si réellement petit garçon qu'il faut bien qu'il soit inventé. 11 vit en enfant, en enfant sensible, attentif, réfléchi, curieux, et Imaginatif, autant qu'on peut l'être à cet âge, mais dont les pensées, les observations, la logique, et les rêves, ne sont pas plus la première ébauche de ceux qui occupent l'esprit et le cœur d'un homme que lui-même n'est une ébauche d'homme. Décadi n'est pas un homme en forma- tion ; c'est un individu oomplet, parfait, dont toutes les facultés sont logiquement développées, et adaptées au monde dans lequel il évolue. Et c'est pour cela qul est un véritable enfant, non un de ces personnages comme on en présente souvent, auxquels il ne manque qu'une certaine maturité, un peu de barbeau menton, et une erreur de l'état-civil pour être des hommes : ils vivent dans le monde des hommes, ils découvrent la vie, en reçoivent des impressions diverses, et réagissent devant elle, à peu près de la même façon que ferait un sauvage adulte, débarquant un beau jour sur le pavé parisien. On aurait l'impression, à les voir, que ce sont des hommes faits, un peu innocents, pas mal dessalés et pas très réussis, si l'on ne savait qu'au fond ils sont tout simplement le fruit d'une imagination littéraire qui travaille sur des souvenirs, et les adapte, sans que l'auteur remarque qu'il regarde son enfance avec des yeux d'homme, et se tonde sur des anecdotes, conservées par sa mémoire, où il introduit, pour les animer, non point le carac- tère qu'il avait jadis, en les vivant et dont il a perdu le souvenir, mais le caractère nouveau, qu'il a acquis depuis, et reporte dans le passé, en l'astreignant à se plier à l'image qu'il se figure avoir conservée, et qu'il crée de toutes pièces.
Le monde, tel que le voit Décadi, est aussi éloigné que pos- sible de la réalité. 11 voit bien ce que voient ses parents, et le docteur Dulait, et le Père de la Sorbière et le thermidorien ; mais il le voit autrement, il donne à chaque fait des explications par- ticulières, le situe et l'ordonne dans un univers spécial, qu'il a formé, qu'il cultive amoureusement, où la réalité transformée, l'imagination et le mystère se fondent avec agrément. Le Père de la Sorbière peut lui tenir de beaux discours, pleins de suc et
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