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NOTES • ' 343

tant contre une expédition répressive au Congo. II prêche dans les rues de Paris, dans les rues de Barlincourt, semble encourager une grève, provoque indirectement le suicide de sa nièce, inter- vient en Cour d'assises si maladroitement qu'il fait condamner à mort celui qu'il voulait sauver, provoque des émeutes dans Paris, finit par être arrêté. Discrédité, honni, impopulaire, il doit repartir pour l'Afrique.

Je ne crois pas que la faiblesse doctrinale (très réelle) des croyances de Saint-Magloire, mélange incohérent où entrent des ingrédients bouddhistes, gnostiques, orphiques, fouriéristes, etc., mais qui témoignent d'une incompréhension totale de l'anti-naturalisme cattiolique, ait la moindre part dans la faiblesse du roman. Les causes de la non-réussite sont presque unique- ment d'ordre littéraire. Dorgelès en effet prétend non pas nous convertir, mais nous émouvoir. Est-ce que les croyances des gens de Cromedeyre-le-Vieil sont beaucoup plus cohérentes que celles de Saint-Magloire ? Mais dans Cromedeyre, nous voyons les rapports précis qui existent entre la croyance et les actions, comment la décision sort du sentiment. Chez Dorgelès, rien de pareil : nous voyons agir Magloire, nous ne le voyons jamais préparer son action. Nous ne savons rien de la genèse, de l'évo- lution de sa croyance, de son but, de son plan. Nous voudrions connaître ses espoirs, ses doutes, les rebondissements de-sa foi. C'est en vain. Magloire agit, semble-t-il, au hasard. Et à aucun moment, Dorgelès n'a su nous communiquer l'intime frisson mystique qui devait animer son héros.

Une autre faiblesse littéraire de ce roman, c'est sa composi- tion « à tiroirs », la monotonie des épisodes tous construits sur un même modèle, consistant tous (ou presque) en une entrevue du saint et d'une foule sympathique ou hostile. D'où un manque de progression interne dans le récit ; une simple juxtaposition de scènes pittoresques, que l'auteur fait « bien tourner » dans les deux-cents premières pages, « mal tourner » dans les dernières, sans autre préparation et sans autre nécessité que son pur arbi- traire.

Ajoutez que toutes ces scènes, dont les journaux rendent compte le lendemain, au dire de l'auteur, sont traitées par lui comme du grand reportage très soigné et non pas comme des scènes de romans. Les détails savoureux abondent. La bêtise et

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