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334 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Américaine, qu’il espère bien épouser, se défile pour ce mariage forcé. La jeune femme, qui se trouvait chez lui à l’arrivée de son mari et qui n’a eu que le temps de se cacher dans une pièce voisine, est ainsi mise à même de juger ce que valaient les jolies phrases et les serments de son amant. Elle revient chez elle se jeter aux genoux de son mari, toute en larmes, implorant son pardon, qu’elle obtient, le mari étant trop heureux de la conserver. Je n’ai pas besoin de vous dire que je ne me suis nullement attendri sur les malheurs de cette jeune sotte. Une personne d’ailleurs peu intéressante, ayant, je l’ai dit, préféré la fortune à l’homme qu’elle aimait et qui l’aimait, donnant ensuite dans toutes les billevesées qu’il lui racontait, sans voir plus loin que le bout de son nez et sans souci du mari auquel elle devait tout. Je la regardais même pleurer avec plaisir. Ce n’est pas qu’une femme qui pleure soit bien jolie. C’est même plutôt tout le contraire. Mais au théâtre, on sait si bien pleurer en restant jolie ! J’oubliais presque que j’étais au théâtre. Je médisais : « En voilà au moins une qui reçoit une leçon. Pleurez, ma chère amie. Vous ne l’avez pas volé ! » On me dira sans doute qu’elle l’emportait, puisque le mari pardonnait. Il faut s’entendre. Elle l’emportait, là, au théâtre. Mais transportez cette histoire dans la vie. Croyez-vous que l’affaire du jeune homme ne reviendra pas de temps en temps entre les deux époux ? C’est ce qui fait la faiblesse de la plupart des pièces : leur dénouement n’est fait que pour finir un dernier acte, sans aucun rapport avec la réalité. Après cela, il est bien certain que ce mari est bien supérieur aux maris qui tuent et assomment, en parlant de leur honneur outragé. Mêler l’honneur à ces histoires-là ! C’est pour moi d’un comique !... Je ne suis pas marié et ne le serai probablement jamais. Mais le serais-je et m’arriverait-il d’être trompé, — et il me l’arriverait, c’est certain, — je me dirais peut-être que je suis cocu, mais je me garderais bien de mêler mon honneur, ou ce qu’on appelle tel, à cette affaire.

Nous avons ensuite, à l’Odéon, une pièce en trois actes de feu Louis Bénières : Coliche et Griffelin. C’est la mise à la scène d’un personnage d’avare d’un très grand relief, avec des « mots » extrêmement typiques. M. Chaumont l’a fort bien joué, donnant à ce personnage une apparence physique très réussie. On a dit que cette pièce rappelle L'Avare de Molière et qu’ainsi elle