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LA GARDE-MALADE ' 305

— Tu fais ton apprentissage, Nini ?

Il ne pensait qu'à une seule chose : au jour prochain, qu'il souhaitait à la fois et qui l'épouvantait, au Jour où il serait étendu sous ces douces mains drapant le dernier drap. Mais eût-elle deviné ce dégoût amer de la vie, enfant que cette épreuve étrange mûrissait, elle l'eût caché soigneuse- ment à l'homme humilié, elle n'aurait pas répondu autre- ment qu'elle répondit :

— Oui, pour quand j'aurai un petit gars !

Cette parole instinctive émut le cœur du malheureux ; il attira Nini sur ses genoux, et la baisa au hasard sur les joues, sur les yeux, ce qui ne lui arrivait jamais tant il était habitué à elle.

Tout de même, l'amertume revint bien vite en lui, la source étant inépuisable. Il dit entre ses lèvres molles :

— Pourtant, quelle chose c'est-il que la vie ? J'ons travaillé, j'ons élevé sept gosses, j'ons vu la guerre, et me voilà comme ça !

La petite fille l'écoutait et le comprenait. Elle dit d'un seul sourire ce qu'un homme eût mis longtemps à inventer :

— Puisque t'as encore une petite boelle, c'est-il pas assez !

Elle parlait français aux parisiens et gâtinais à son grand- père. Il ne se plaignit plus ; mais comment jamais se fût-il

��résigné ?

��L'habillage terminé, l'enfant lavait l'homme. Elle mouil- lait une serviette dans l'eau tiède et la lui passait délicate- ment sur le front, sur les joues, la nuque et le cou. Puis elle frottait un peu plus fort les mains et les poignets par- courus de cordes grises et bleues. La grand'mère, se réser- vant la toilette du dimanche, déclarait ces deux opérations bien suffisantes.

Ensuite, tous trois prenaient leur repas. Jusqu'à son épuisement, le vieillard s'était toujours contenté de pain bis et de fromage ; mais depuis qu'il ne pouvait plus

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