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302 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Le vieillard soupira, puis, faisant ébouler les oreillers, il se tourna du côté du mur. Sa bru reprit sans s'émou- voir :

— Mais qui est-ce qui prendra soin de lui ? Vous tra- vaillez aux champs, vous allez en journée, qui est-ce qui le lèvera, le lavera, l'arrangera r*

— Nini ! cria la paysanne.

Des sabots trottèrent dehors et une fillette entra. Robuste et hâlée, elle paraissait un peu plus que ses douze ans. Figure ronde, lèvres bien ourlées et gonflées d'un sang sombre, gai petit nez retroussé : le tout éclairé du bon feu de deux yeux noisette. Un tablier à carreaux, serré sur de vieilles cottes, lui donnait une grâce bizarre et tou- chante.

— Quoi ! s'exclama la dame, c'est Eugénie qui s'occu- pera de son grand-père !

— Oh, dit l'enfant d'une voix nette, il peut encore s'ai- der, il n'y a qu'à le conduire, je ferai bien ça !

La grand-mère sourit, le lils sourit aussi ; sa femme bégayait indignée et embarrassée.

— Mais les convenances ! Enfin il y a des choses que les enfants ne peuvent p-as faire !

Elle en dit bien davantage. Eugénie l'écoutait avec sur- prise, et quand par hasard, en se lamentant ainsi, la dame de Paris la regardait, elle détournait les yeux, examinant les souliers fins et décousus de sa tante avec une moquerie sournoise.

��II

��Les visiteurs firent ce trouble et repartirent : c'était tou- jours ainsi.

Au long de l'année, depuis qu'ils avaient quitté le bourg natal, les entants d'Etienne Harry le venaient voir de fête en fête. Au carnaval arrivaient les deux aînés, célibataires, et dont on disait qu'ils faisaient les quatre-cent-dix-neui

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