Page:NRF 18.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA GARDE-MALADE

��Pour Georgette. I

— Alors, demanda la jeune femme avec humeur, il ne veut pas aller à l'hôpital ?

— Je voulons point non plus qu'il y aille, dit la vieille. Le vieux, lui, assis dans son lit sous l'énorme édredon

rouge, se taisait, regardant à peine cette bru dont il reni- flait le parfum avec ennui. Trois oreillers lui calaient le dos, car il était cruellement voûté et ne pouvait plus se cou- cher que sur le flanc. Entre les rideaux bleus à fleurs, on voyait mal son visage jaune, ses traits longs, son grand nez, ses lèvres molles qui tremblaient.

x\u pied du lit, son fils affaissé sur une chaise de paille souff"rait silencieusement. La déchéance de l'ancêtre lui tourmentait' le cœur : à peine s'il reconnaissait cette coura- geuse figure autrefois penchée sur sa jeunesse, ces rides tra- cées à la charrue, cette dureté paysanne où ne disparaissait pas la noblesse humaine... Surtout la vaine querelle de sa femme et de sa belle-mère l'ofi'ensait : il eût voulu les pren- dre, toutes les deux, par les épaules, et les pousser dehors. Seul alors avec son père, il trouverait les phrases néces- saires.

Cependant, faible, il ne disait rien.

Les deux femmes se défiaient du regard et du sourire. Dans leur attitude déjcà et dans leur costume, leurs deux vies combattaient.

�� �