réunion publique est pure ; non pas, entendez bien, que ses hommes professent les mêmes opinions et se réclament du même parti, mais en ce sens qu’ils sont tous possédés de la même passion. Ils ne viennent pas là en oisifs et pour combattre le désœuvrement, mais comme à une volupté qui se donnerait toutes les apparences d’un devoir. Ils prennent sur leur repos le temps de ces cérémonies ; ils s’imposent, pour y participer, des privations et des soins ; ils font de longs chemins en dépit des intempéries, désertent leur foyer, découragent l’amour, essuient des vexations, souffrent mille incommodités et, s’il faut donner de l’argent, en donnent.
Ils s’entassent à l’intérieur d’édifices qui n’ont le plus souvent d’autre agrément que leur grande capacité. Le confort amollit les passions : il n’a que faire en ces lieux. Les hommes se pressent sur des bancs grossiers, s’accroupissent sur des gradins ; certains se tiennent debout, les uns contre les autres, serrés comme les épis d’une gerbe. Si la place fait défaut, ils s’accrochent aux boiseries, se hissent jusqu’aux saillies des murailles ; ils s’installent sur les corniches et laissent pendre leurs jambes dans le vide. Plus on est tassé, mieux cela vaut : la buée des haleines se condense sur les murailles et ruisselle ; la chaleur circule activement d’un corps à l’autre et les opinions, dans cette serre moite, deviennent turgescentes, comme un fruit près d’éclater.
Qu’attend donc ce peuple impatient ? Quel spectacle rare et curieux lui promet-on ? Va-t-on, comme au cirque, voir paraître les clowns bigarrés, les animaux féroces et savants, les boxeurs à l’art sauvage, la troupe des danseuses demi-nues, les monstres qui excitent le ricanement et la compassion, les acrobates ingénieux et terribles ? Point. Ce qui va se passer est bien plus enivrant, bien plus angoissant, bien plus délicieux que tout cela : un homme va parler à des hommes.
L’assemblée escompte son plaisir. Ceux qui connaissent