pitoyable, avarement recroquevillée sur l’esprit ancien, subissant du monde entier l’attaque d’idées nouvelles qu’elle nie simplement sans y répondre par une création d’idées. L’humanité veut une foi. La France n’est capable que de caractère. Obstinée et sommaire, durement certaine de l’invariabilité de son histoire, elle est la nation de Jeanne d’Arc plus que de la Révolution. Toute sa psychologie est de résistance à l’invasion, non de propagation d’une philosophie. Elle a remis sur son écusson : « Dieu et mon droit » et y ajoute pour l’Allemagne : « Paye-moi. »
Elle a une âme de créancier. Et elle est une créancière maladroite, usant son temps et la sensibilité de son opinion publique à réclamer la punition des coupables de guerre allemands, ce qui est d’une réalisation impossible parce que différée. Il faut se souvenir aujourd’hui pour s’indigner. Les peuples ont d’autres soucis que l’indignation. Ils ont la misère. La France pense juste mais mal à propos. Elle est une intelligence à retardement. Parce que ses hommes qui sont tombés sur les champs de bataille ont aboli avec eux une partie énorme de son esprit. C’est pour les morts qu’elle se veut intraitable. Et c’est l’esprit mort avec les morts qui l’aurait maintenue compréhensive, largement humaine. Il ne faut point la haïr pour son inintelligence momentanée. Elle a perdu dans cette guerre sa fortune, sa santé, sa philosophie. Le monde exige d’elle, après un million et demi de morts, une loi nouvelle. On lui demande Mirabeau et le patriotisme humanitaire ; elle n’est capable que de Poincaré et du patriotisme anti-germain. Cela changera, mais dans la mesure où l’Allemagne dira sa volonté de fraternité, sa foi dans l’esprit nouveau, sa résolution de démocratie. Le monde entier qui veut la fin de la contagieuse misère, a un espoir qu’il n’ose pas dire, un espoir attendu depuis des siècles, et sans la réalisation duquel l’Europe sera définitivement débile : l’alliance franco-allemande qui est la première condition des États-Unis d’Europe et de la paix du monde.