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LE TRIPTYQUE DE M. ABEL HERMANT 269

huitième siècle — égaré aux âges pathétiques ? Comment a-t-on pu, encore une fois, voir en cet élégant un de nos maîtres aussi célèbre par sa pesante autolâtrie et son grave moralisme que par les belles cadences de ses doctes périodes ? S'il me fallait à tout prix identifier cette espèce de Champfort en smoking que m'apparaît Lefebvre, je songerais bien plutôt à un autre de nos coryphées littéraires, vrai gentil- homme de lettres, infiniment voisin de M. Abel Hermant, et j'oserais me souvenir que Phidias, en sculptant sa Minerve, s'était dextrement enchâssé, dit l'histoire, aux plis de la robe de son modèle.

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M. Abel Hermant promène son héros à travers des péripéties qui lui sont une occasion de portraits, d'évocations de milieux, de scènes de toute sorte où non seulement se retrouvent tous les dons bien connus de l'illustre romancier mais où d'autres se révèlent.

Voici le jeune Philippe à Oxford, dans l'orbite du barde Ashley Bell, l'« Adam américain » exilé aux jardins anglais et qui semble bien être à Whitman ce que le Choulette du Lys rouge est à Verlaine. Elle est inoubliable cette vision du grand vieillard, les cheveux au vent, le col nu, dont les bras en s'ouvrant font naturellement le geste de la prière, à la fois puissant et puéril, catéchisant et priapique, toujours inféodé à la nature en ses désirs, en ses clartés profondes, en ses contradictions. Tout autour se groupent les disciples : Rex Tintagel, le délicieux camarade de Philippe et son introducteur dans la communauté, tour à tour questionneur et recueilli ; le jeune lord Swanage, aux cheveux pâles et moirés, qui traite avec le maître de pair à compagnon ; l'Allemand Lembach, qui prend des notes ; le petit Liphook, qui admire de confiance ; enfin, Philippe, chez qui la dévotion, comme il sied à sa race, n'exclut pas l'ironie. Le tout forme un tableau exquis. Tel retour à la tombée du jour,