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264 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

partie, méprisante — et incapable — d'intellectualité pure et toute vibrante de passion morale ; elle se signe dans Péguy. C'aura été une heure tragique que ces années d'avant-guerre où tant de jeunes gens, sentant monter le péril et s'enfonçant de plus en plus dans les fureurs de l'action et de la foi, se prenaient d'une véritable haine pour leurs aînés dont la jeunesse spéculative leur paraissait avoir été une trahison à la patrie, cependant que ceux-ci articulaient des défenses spécieuses ou balbutiaient des mea culpa plus ou moins nets qui ne désarmaient personne. Aujourd'hui la paix est faite ; les jeunes fervents de l'action, ayant sauvé la France, se sont donné l'élégance de pardonner aux vieux leur religion de l'esprit. Bien mieux — M. Hermant l'a noté — ils veulent y venir, à cette religion. Le pourront-ils ? Ne sont-ils pas, et quoi qu'ils veuillent, con- damnés pour toujours à leur sombre discipline ? L'un d'eux, des plus représentatifs, tout récemment encore, s'élevant précisément contre M. Anatole France, déclarait n'accorder le rang suprême qu'aux œuvres « inspirées par une conviction profonde », en sorte que son esthétique est ainsi faite que les clameurs d'Ezéchiel y ont le pas sur l'Iliade. On se demande avec tristesse si ce jeune héros n'est pas, plus encore que ne l'a dit un des siens en un morceau célèbre, d'une génération « sacrifiée ». On va plus loin, et l'on se demande si elle serait souhaitable, cette revenue de la jeunesse au pur culte de l'esprit ; si l'avenir ne s'annonce pas tel que, pour bien longtemps encore, la France aura autrement besoin de voir ses fils vénérer l'énergie du cœur et la furie de la volonté que la perfection de la pensée ; si l'ado- ration de cette dernière — du moins par une jeunesse compacte — n'est pas un de ces nombreux luxes que l'humanité de demain ne pourra plus s'offrir.

Triste rayon, es-tu l'aurore

Du jour qui ne doit pas finir ?

Marquons un autre trait par quoi Philippe nous semble