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LE TRIPTYQUE DE M. ABEL HERMANT 261

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Philippe est donc bien, et en un large sens, un homme de sa génération. Toutefois, ce qui me retient le plus en lui, c'est d'autres traits par lesquels, au contraire, il jure avec elle ; par lesquels, plus exactement, il m'apparaît comme un survivant de l'ancienne France — d'une ancienne France — dans un temps qui a précisément commencé d'en déposer les principaux attributs.

Philippe a — et conserve — le culte de la raison ; il ne se sent aucun goût pour « ces soi-disant philosophies où la sensibilité est tout, où l'entendement n'a point de part», et, d'une manière générale, pour toute doctrine qui inscrit en tête de ses valeurs un état irrationnel de l'esprit : vague mysticité ou foi précise. M. Abel Hermant oppose en cela Philippe à la génération de son fils ; il eût pu aussi bien l'opposer à la sienne. Philippe appartient à une promotion d'hommes de lettres, qui, élevés par Taine et Renan, et presque tous entrés dans la lice sous les bannières de la raison, sont pour la plupart, et pour des motifs qui ne sont pas toujours d'ordre uniquement pratique, passés depuis lors au camp adverse. La désertion a commencé vers 1890, avec le haro poussé par Faguet contre le XVIIIe siècle, qui, non seulement n'est pas chrétien, mais ne serait, paraît-il, pas français, et elle s'est poursuivie jusqu'à il y a une dizaine d'années. Philippe, que nous retrouvons à cinquante ans aussi areligieux qu'à vingt-cinq, cachant mal l'impatience que lui cause dans le monde le voisinage d'une soutane et s'irritant de ce que son fils passe pour « bien pensant », ne doit pas seulement heurter les amis du jeune Rex, mais faire scandale parmi ses pairs. Je ne serais pas surpris que cet entêtement lui ait coûté gros dans sa carrière ; notamment si, comme son talent l'y autorisait, il a brigué l'Académie. S'il persiste à solliciter les suffrages de cette brillante compagnie (car je ne sache pas qu'il en