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LE TRIPTYQUE DE M. ABEL HERMANT

Après l'Aube ardente et la Journée brève, M. Abel Hermant nous donne aujourd'hui le dernier panneau de son triptyque: le Crépuscule tragique[1]. Son héros, Philippe Lefebvre, dont l' « aube ardente » se levait aux environs de 1882, est conduit dans cette dernière œuvre jusqu'à l'armistice de 1918. Il est donc exactement de cette génération de Français dont le mortalis œvi spatium, du moins en sa vraie valeur, se sera écoulé d'une guerre à l'autre et il nous est peint dans cet espace.

Encore qu'il soit loisible de nier qu'on ait voulu faire la psychologie de cette génération, ou seulement d'une de ses fractions, quand on n'en a montré le représentant ni devant le Boulangisme, ni devant le Panamisme, ni devant l'af- faire Dreyfus, je doute que M. Abel Hermant se défende beaucoup de cette prétention. J'en doute d'autant plus qu'elle serait fort suffisamment justifiée. Son Philippe Lefebvre est bien, par certains traits, une fidèle image de l'intellectuel aisé de cette époque ; et si ses traits nous sont montrés dans l'âme intime plutôt que dans l'âme sociale, s'ils baignent dans la pénombre de la vie privée plutôt que dans le grand jour de la place publique, le portrait n'en réussit que mieux à ne point faire double emploi avec tel de ses glorieux précédents et ce qu'il perd peut-être en grandeur il le gagne en vertu pénétrante.

Ces traits, osons le dire (M. Hermant n'y est pour rien),

  1. 1 Publié dans l'Opinion