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essayistes de tout poil, les informateurs et déformateurs de tout rang trouveront l’aliment le plus facile. Je m’en voudrais de rogner leur part.

Nous avons fait assez d’éloges à Freud pour nous permettre une remarque qu’il peut à la rigueur prendre encore pour un éloge. Quand on le lit, il arrive qu’on pense à Darwin ; il arrive aussi qu’on pense à Spencer et même à René Quinton. Je veux dire qu’entre deux idées desavant, il n’hésite pas à jeter une de ces « vues brillantes » qui témoignent, à coup sûr, d’une grande activité de pensée, qu’on a envie de déclarer « géniales », mais qu’on ne range pas ensuite dans le même coin de l’esprit que la bonne monnaie scientifique. Ce sont valeurs fiduciaires, liées au sort de la banque d’émission.

Je sais tout comme un autre apprécier ce qu’a de piquant, d’excitant, l’idée que l'angoisse, banale ou névrotique, a pour origine chez l’homme l’impression d’étouffementqu’éprouve le nouveau-né en sortant du ventre de sa mère. Loin de railler, je dis même que c’estune grande idée, une admirable intuition de poète. Je l’imagine très bien ramassée dans un verset de Tête d’Or. Mais je suis gêné qu’on fonde là-dessus toute une théorie, presque toute une clinique de la névrose d’angoisse, et cette confusion des genres, qui se répète vingt fois, finit par me choquer.

Elle m’inquiète aussi quant à la solidité de la théorie générale. La réduction de l’activité psychique à la libido, le pansexualisme, ont-ils été dictés à Freud par l’expérience ? Ne sont-ce pas plutôt des « vues brillantes », que l’expérience est par elle-même hors d’état de vérifier ? des « dadas » philosophiques qu’il serait plus loyal de présenter comme tels ?

La thèse est simple. Toute notre activité psychique, normale ou anormale, se ramène au jeu des tendances ; et toutes les tendances se ramènent, en fin d’analyse, à la tendance sexuelle, ou libido. La tendance sexuelle ne se confond pas avec l’impulsion génitale, car elle n’est pas liée