220 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
telle œuvre, tel succès spécial, un genre différent de celui dans lequel on s'est fait connaître, une bataille à gagner sur un ter- rain neuf, le théâtre. » Enfin ils retiendront quelques pensées qui peignent bien Gourmont et font présager les Lettres à l'Amadoue ; celle-ci entre autres : « Le plaisir est humain et divin ; il est cpirituel ; ce n'est pas un instinct qui le domine, il a une âme. Il n'est pas égoïste et même ne s'épanouit qu'en autrui. La chair ne frissonne qu'aux frissons de la chair ; le plaisir ne vit que du plaisir qu'il donne. »
Toutefois, ces fragments recueillis en marge de Si.xliiie sont destinés principalement aux « gourmontiens » et n'offrent aux autres qu'une substance assez mince.
JACQUES DE LACRETELLE
LES PHILOSOPHIES PLURALISTES EN ANGLE- TERRE ET EN AMÉRIQUE, par /. ÎFahl (Alcan).
Le livre de M. Wahl nous donne du mouvement pragmatiste et pluraliste en pays anglo-saxon, une carte claire et bien faite. Il juge ce mouvement avec sympathie et fait bien saisir l'utilité de sa réaction contre le monisme dont le xix^ siècle a connu tant de formes étroites. Aujourd'hui, si l'excellente revue philoso- phique anglaise The Mov.ist voulait rester entièrement fidèle à son titre, elle n'aurait plus guère de copie. Le pluralisme, dont l'influence en pays anglo-saxon s'est heureusement conjuguée avec celle de Bergson, a donné à la philosophie du jeu, de l'air, de l'espace. Peut-être M. Wahl aurait-il pu le rattacher d'une façon précise aux grands courants de la philosophie anglaise, qui, depuis Bacon, forme un pays intellectuel origi- nal. Une philosophie intellectualiste est conduite nécessaire- ment au monisme, et l'esprit anglo-saxon a toujours répugné à l'intellectualisme des grandes philosophies continentales. De Bacon, de Hume, de Mill (je ne dis pas de Berkeley et de Spen- cer) je crois qu'il serait facile d'extraire sinon des thèses plura- listes, du moins un esprit pluraliste. Le demi-pluraliste Renou- vier se rattache à Hume par delà Kant, et ce que James retrouve avec enthousiasme dans le criticisme français ne sont-ce pas les éléments que celui-ci tenait de Hume ?
ALBERT THIBAUDET
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