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NOTES

��LITTÉRATURE GÉNÉRALE

MADAME DE SÉVIGXÉ, pâv André Hallays (Perrin).

Tant qu'on est jeune, on a peu de goût pour M'"^ de Sévi- gné. Les lettres citées dans les anthologies sont souvent celles dont le brio sent un peu l'esprit de salon et le désir de briller ; quant aux autres, leur naturel, leur fraîcheur, leur vie prodi- gieuse n'apparaissent clairement qu'à des lecteurs déjà dégoûtés de la pédanterie et de l'abstraction. Mais d'autres raisons encore expliquent cette aversion de la jeunesse. Pour elle, l'amour maternel de M""^ de Sévigné représente ce que l'esprit de famille a de plus pesant. Tant bien que mal, on arrive à se défendre contre un père despotique, tandis qu'on est sans armes contre une mère trop aimante. En secret, les écoliers prennent tous le parti de M'"= de Grignan, et ce que les maîtres leur représentent comme une odieuse sécheresse de cœur ne leur semble qu'une légitime échappatoire aux tyrannies des adultes. Plus tard, les positions étant renversées, on risque d'épouser un peu aveuglément la cause d'une mère si durement rabrouée. On soupèse quelques mots terribles, épars dans les lettres à sa fille : « Vous savez quelle inclination j'ai eue toute ma vie pour vous : tout ce qui peut m'avoir rendue haïssable vient de ce fonds » ; ou encore : « Ce n'est pas une chose aisée à soutenir que la pensée de ne pas être aimée de vous ; croyez-m'en. » On finit parj^jOublier ce qu'il y a d'injustice chez cette mère idolâtre et qu'elle n'a jamais accablé son fils, pourtant affectueux et aimable, sous de bien vives protestations d'amour. Le livre de M. Hallays jette sur les sentiments réciproques de cette famille une lumière qui ne laisse rien d'essentiel dans l'ombre ; et il le fait avec ce goût des choses de l'esprit et du cœur, à la fois pénétrant et discret, qui sait ne jamais froisser l'objet de son investigation.

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