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l82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

minuit, sous la lune,, dans le cimetière ? Quand l'auteur dit, tu sais, que la lumière de la lune passait au travers du fantôme et qu'il ne faisait pas d'ombre sur l'herbe... Ce doit être ravissant, un fantôme. Je voudrais bien en voir un, je t'appellerais. Malheureusement ils n'existent pas. Si je pouvais me faire fantôme après ma vie, je n'y manque- rais pas, pour ton plaisir et pour le mien. Tu as lu aussi cette stupide histoire d'une morte qui se venge ? Se ven- ger, je vous demande un peu ! Ce ne serait pas la peine de mourir, si on ne devenait pas plus raisonnable après qu'avant. Les morts, va, c'est un bien tranquille voisinage. Je n'ai pas de tracas avec mes voisins vivants, je me charge de n'en avoir jamais avec mes voisins morts !

Je ne sais quelle froideur Uttéraire, saine à tout prendre, me garda du délire romanesque, et me porta un peu plus tard, quand j'affrontai tels livres dont le pouvoir éprouvé semblait infaillible, — à raisonner quand je n'aurais dû être qu'une victime enivrée. Imitais-je encore en cela ma mère, qu'une candeur particulière inclinait à nier le mal, ce pendant que sa curiosité le cherchait et le contemplait, pêle-mêle avec le bien, d'un œil émerveillé ?

— Celui-ci ? Celui-ci n'est pas un mauvais livre, Minet- Chéri, me disait-elle. Oui, je sais bien, il y a cette scène, ce chapitre.... Mais c'est du roman. Ils sont à court d'in- ventions, tu comprends, les écrivains, depuis le temps. Tu aurais pu attendre un an ou deux, avant de le lire... Que veux-tu ! débrouille-toi là dedans, Minet-Chéri. Tu es assez intelligente pour garder pour toi ce que tu comprendras trop... Et peut-être n'y a-t-il pas de mauvais livres...

Il y avait pourtant ceux que mon père enfermait dans son secrétaire en bois de thuva. Mais il enfermait surtout le nom de l'auteur.

— Je ne vois pas d'utilité à ce que les enfants hsent Zola !

Zola l'ennuyait, et plutôt que d'y chercher une raison de nous le pernaettre ou de nous le défendre, il mettait à

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