12 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
surveille le moins, compose le moins son visage. Une telle intervention se laisse concevoir de bien des manières, et la psychanalyse est à cet égard beaucoup moins audacieuse qu'elle n'en a la renommée. En particulier il semble que Freud, après avoir recueilli de Técole de Charcot et dans cette école même la notion d'hypnose n'en ait fait ensuite que l'usage le plus banal. On a le sentiment qu'il s'est con- duit, sur ce point, en disciple timoré, qui recommence le travail du maître avec plus de respect que d'invention et finit par se dégoûter d'un instrument de recherche dont il n'a su ni maîtriser l'emploi ni perfectionner le principe. La théorie des régimes de la conscience, née en France, et la technique expérimentale qui s'y rapporte, paraissent en cela plus avancées que la psychanalyse.
Ce qu'on peut appeler l'expérimentation psychanaly- tique n'est guère que la mise au point de pratiques cou- rantes comme Vinlerrogatoire. L'interrogatoire, sans doute, reste, entre des mains inexpertes, un outil grossier et de fai- ble rendement. Mené par un gendarme, l'interrogatoire ne sera qu'une alternance mécanique de questions inertes, vides de curiosité, et de réponses platement défensives. Mené à loisir par un juge d'instruction habile, il se com- plique et déjà se transforme. Les questions ont alors moins pour objet de provoquer une réponse directe que d'obli- ger l'esprit du patient à prendre certaines postures qui le découvrent, qui le mettent soudain hors des gardes qu'il a préparées. L'idéal, dans bien des cas, est même de réussir à dédancher un monologue, le plus long possible. Si l'accusé parle une heure de suite et si le juge n'est pas distrait, c'est le juge qui gagne. La vérité est comme « ramenée du fond » par le torrent des paroles. Il se peut qu'elle passe fugitivement et morceau par morceau. Ayex l'agilité de tout saisir. Mais contre l'interrogatoire du juge, le moi se tend de toute sa force. Toutes les résistances de k vie viennent épauler la conscience qui ment. Remplacez le juge par le confesseur. Le moi n'a plus à sauver la carcasse. Il
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