de travailler, épuisé déjà, pendant le mauvais temps, sous la pluie, dans la boue, ou bien pendant le froid intolérable de l’hiver. Une fois je suis resté quatre heures à exécuter un travail supplémentaire : le mercure était pris ; il y avait plus de 40 degrés de froid. J’ai eu un pied gelé.
Nous vivions en tas, tous ensemble dans la même caserne.
Imagine-toi un vieux bâtiment délabré, une construction en bois, hors d’usage et depuis longtemps condamnée à être abattue. L’été on y étouffait, l’hiver on y gelait.
Le plancher était pourri, recouvert d’un verschok[1] de saleté. Les petites croisées étaient vertes de crasse, au point que, même dans la journée, c’est à peine si on pouvait lire. Pendant l’hiver elles étaient couvertes d’un verschok de glace. Le plafond suintait. Les murs étaient crevassés. Nous étions serrés comme des harengs dans un tonneau. On avait beau mettre six bûches dans le poêle ? aucune chaleur (la glace fondait à peine dans la chambre), mais une fumée insupportable : et voilà pour tout l’hiver.
Les forçats lavaient eux-mêmes leur linge dans les chambres, de sorte qu’il y avait des mares d’eau partout ; on ne savait où marcher. De la tombée de la nuit jusqu’au jour il était défendu de sortir, sous quelque prétexte que ce fût, et on mettait à l’entrée des chambres un baquet pour un usage que tu devines ; toute la nuit la puanteur nous asphyxiait. « Mais, disaient les forçats, puisqu’on est des êtres vivants, comment ne pas faire des cochonneries. »
Pour lit deux planches de bois nu ; on ne nous permettait qu’un oreiller. Pour couvertures des manteaux courts qui nous laissaient les pieds découverts ; toute la nuit nous grelottions. Les punaises, les poux, les cafards, on aurait pu les mesurer au boisseau. Notre costume d’hiver consistait en deux manteaux fourrés, des plus usés, et qui ne tenaient pas chaud du tout ; aux pieds des bottes à courtes tiges, et allez ! marchez comme ça en Sibérie !
On nous donnait à manger du pain et du schtschi[2] où le