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dirai que deux fois deux cinq est aussi une chose charmante. »

Vous n’êtes pas habitué à de tels arguments ; vous êtes même offensé peut-être qu’en parlant de la théorie de la connaissance je cite ces passages de Dostoïevsky. Vous auriez raison si Dostoïevsky n’avait pas soulevé la question de droit. Mais deux fois deux quatre, la raison avec toutes ses évidences ne veulent justement pas admettre qu’on discute la question de droit ; s’ils l’admettent ils perdent leur cause. Ils ne veulent pas être jugés ; ils veulent être juges et législateurs, et si quelqu’un refuse de leur concéder ce droit ;, ils lui lancent l’anathème, ils le retranchent de l’église humaine, œcuménique. Ici cesse toute possibilité de discussion, ici commence une lutte désespérée, mortelle. L’homme souterrain est privé au nom de la raison de la protection des lois. Et voilà que cet homme misérable, humilié, pitoyable, ose se dresser pour la défense de ses soi-disant droits. Mais comment s’y prendre pour renverser ce tyran, quelles méthodes imaginer ? N’oubliez pas que tous les arguments sont des arguments rationnels qui n’existent que pour soutenir les prétentions de la raison. Il n’y a qu’un moyen : se moquer, invectiver et à toutes les exigences de la raison opposer un « non » catégorique. A la raison, qui crée les règles et bénit les gens normaux, Dostoïevsky répond : « Pourquoi êtes-vous si solidement, si solennellement convaincu que seul le normal est nécessaire, le positif, en un mot, ce qui donne le bien-être. La raison ne se trompe-t-elle pas ? Il se peut fort que l’homme aime autre chose que le bien-être ? Peut-être qu’il aime tout autant la souffrance ?... Il arrive parfois que l’homme aime la souffrance, jusqu’à la passion. C’est un fait. Nulle nécessité de s’en référer à l’histoire universelle. Questionnez-vous vous-même, si seulement vous avez vécu. Quant à mon opinion à moi, je vous dirai qu’il est même inconvenant de n’aimer que le bien-être. Est-ce bien, est-ce mal, mais il est parfois très agréable de briser quelque chose. Je ne défends d’ailleurs