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Il8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Autrement dit, dans Chesterton, car il est évident que c'est pour lui qu'il plaide, la doctrine est le principal et il s'agira, par tous les moyens, de l'infuser en l'âme du lecteur et de la dif- fuser aussi loin que possible. Orlhodoxy n'est pas pour tout le monde ; ce sera le livre des gens sérieux. La Sphère et la Croix est pour tout le monde, véhicule-omnibus d'une vérité essen- tielle et urgente qui doit être abordable à tous.

Revenons donc à cette vérité centrale. Elle s'exprime claire- ment à la page 120 du livre : jndesfructibilité du christianisme — pratiquement parlant — par celui que le romancier appelle « le grand libre-penseur «pour le distinguer des petits... l'auteur des Propos d'Alain par exemple.

Ce qu'il déttuit (L grand libre-penseur)... ce n'est pas le christia- nisme... c'est le libre-penseur venu avant lui. La libre-pensée peut être suggestive, elle peut être excitante, posséder autant qu'il vous plaira ces mérites qui viennent de la vivacité et de la variété. Mais il est une qualité que la libre-pensée ne peut jamais revendiquer : la libre-pensée ne peut jamais être un élément de progrés. Elle ne le peut pas parce qu'elle n'accepte rien du passé ; elle recommence chaque fois au com- mencement et chaque fois s'en va dans une direction nouvelle. Tous les philosophes rationalistes sont partis sur des routes différentes, si bien qu'il est impossible de dire lequel a été le plus loin. Non, il n'y a que deux choses qui progressent réellement et toutes les deux accep- tent des accMmM/aYîOHi d'<iMfon/c... La première est la science stricte- ment physique. La seconde est l'Eglise catholique... Si vous voulez un exemple d'une chose avant progressé dans le monde moral parla même méthode que la science dans le monde matériel, pa:- des additions cons- tantes ne détruisant rien de ce qui a précédé, alors je dis qu'il n'en est qu'une. Et c'est Nous.

Je ne suivrai pas Chesterton dans sa brillante et parfois cap- tieuse discussion. Il dit Nous, sans avoir peut-être tout à fait le droit de le dire, n'ayant pas encore que je sache, fait sa soumission à Rome. Il a voué à la raison une haine affreuse qui n'est pas précisément orthodoxe. S'il n'engage pas l'Eglise dans ses conclusions extrêmes, il la sert du moins par ses arguments. C'est un apologiste du dehors. Il garde ainsi, peut-être, les coudées plus franches, mais risque, par ailleurs, de verser dans ce qu'il déteste le plus, l'hérésie. A force d'insis-' ter, après R. H. Benson, sur les « paradoxes » du catholicisme il s'expose à n'y voir plus rien que de paradoxal. — Il nous faut le

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