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I08 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

-circonstance donnée. Cinquième thème (Origine et Prospérité ■des Singes) : naissance et développement d'une légende privée de tout fondement historique.

Sixième thème (^L'Expédition) : étude de la résistance d'un groupe aux contingences, de sa capacité à vivre la vie qu'il s'est prescrite sans que rien l'en détourne. Développement : un juge de paix, un docteur et des étudiants en goguette ne se laissent pas distraire de leur joie par un meurtre qui les oblige pourtant à une descente de justice et à une autopsie ; l'existence ■du groupe joyeux ne se laisse entamer ni par les détails maca- bres, ni par le sort d'un malheureux, accusé à tort et à moitié lynché par les paysans ; né pour boire et pour rire, le groupe achève sa soirée en buvant et riant.

Septième thème (La Chambre de l'Horloge) : confrontation d'un individu avec un groupe qui lui est totalement étranger, dans l'espèce d'un enfant avec un asile de vieillards. Huitième thème (Le Bengali) : confrontation encore de deux individus avec une ville inconnue et avec les divertissements de cette ville qui se changent pour eux en pitié et en tristesse, tant il est vrai qu'on ne peut se divertir qu'à l'intérieur et selon les modes de son propre groupe.

Que devient la réalité dans des récits systématisés de la sorte ? Sauf peut-être dans la Chambre de l'Horloge ou le Ben- gali, elle est sinon absente, du moins tellement déformée qu'on hésite à la reconnaître. Il n'y a pas la moindre vraisemblance dans tous ces récits, ce sont des constructions arbitraires, nées ■d'abstractions ce sont des recompositions du même ordre que celles des peintres cubistes. Ou plutôt, pour ne pas sortir du domaine de la littérature, disons que ce ne sont pas des his- toires, mais des légendes que nous conte Duhamel.

Le caractère légendaire, épique de la prose unanimiste n'a pas encore été suffisamment mis en relief. C'est là une des mille manières dont s'y prend le xx« siècle pour se libérer de la servi- tude historique que romantisme et naturalisme lui avaient im- posée. On ne saurait tout dire est une épopée héroï-comique de la même veine que le Lutrin de Boileau.

Qjue Duhamel, en traitant des sujets si spéciaux, ne heurte, ni n'étonne, c'est ce qu'on s'expliquerait mal, si on ne remar- quait qu'il a superposé des études de caractères à chacune de

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