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I06 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il y a pourtant un grand souci d'exotisme dans ce livre : mais il se limite presque uniquement à l'emploi de vocables nègres ^ Un lexique à la fin du volume ne serait pas inutile. Une phrase comme celle-ci : « les sons discordants des balafons et des koundés s'unissaient au tam-tam des li'nghas » peut évoquer une musique barbare. Mais un cliquetis de syllabes incompré- sibles, s'il peut suggérer quelques grossières images auditives, ne pourra en aucun cas suggérer d'images visuelles. « Ils avaient quitté leur kagas, leur brousse, leurs patas-patas boueux, n'en dit pas plus en vérité que « ils avaient quitté leur brousse. » Et qu'est-ce qu'un ciel « couleur de latérite » ?

Imagine-t-on un auteur français situant un roman en Alle- magne et écrivant : « Un Kalb se mit à meugler. Une Fliege bourdonnait. Un Hund aboyait, etc.. » ? M. Maran écrit : « léhé, les m'balas, il n'est plus temps de barrir ! Vous, les- voungbas, vous feriez bien de ne plus afïouiller vos bauges,. d'un groin vorace !.., Gogouas, enfuyez-vous en meuglant,, etc.. »

Veut-on maintenant une idée du français tel que l'écrit M. Maran ?

Et d'avance des Européens que je viserai, je les sais si lâches que je suis sûr que pas un n'osera me donner le plus léger démenti. — Si l'inintelligence caractérisait le nègre, il n'y aurait que fort peu d'Européens. — Et produisent les arbres un frisseus de mille feuilles mouillées. » — « Un brusque mépris haussa ses épaules. — Trop haut est le ciel dont semble l'azur incolore à force de lumière ! — Allez vers où des fumées noirâtres n'annoncent pas que le feu dévore la brousse. »

Par son style, Balouala est peut-être un « véritable roman

nègre ». ^

LES HOMMES ABANDONNÉS, par Georges Duhamel (Mercure de France).

Avec ce dernier recueil de nouvelles, Georges Duhamel prend décidément figure de Maupassantdel'unanimisme. Ce que Mau- passant fit pour l'esthétique de Croisset et de Médan, Duhamel est en train de le réaliser pour l'esthétique de l'Abbaye : il ia rend accessible au grand public ; sans en rien renoncer, il sert

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