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NOTES 105

îines ; roman des rapports entre Noirs et Blancs ; roman du mulâtre ; roman du nègre instruit et civilisé ; roman du fonc- tionnaire indigène, etc., M. Maran a choisi d'écrire le roman psychologique du nègre encore sauvage, de noter le défilé des pensées, images, désirs, sentiments dans son âme fruste. Il a remarquablement réussi dans ses deux premiers chapitres, véri- tables monologues intérieurs de son héros. Mais il n'a pas eu le même bonheur dans la suite de son récit.

Ce roman de la jalousie qui ressemble, quant au lond, à n'importe quelle histoire d'apache ou de vendetta corse, pour- quoi l'avoir traité si la jalousie est un sentiment exceptionnel chez les nègres Congolais ?

Mais ce sujet d'exception une fois admis, les détails de l'aven- ture, la logique sentimentale et le jeu d'idées des héros vont-ils être typiquement nègres ? On attendait dans les palabres et les dialogues des personnages quelque chose d'un peu semblable à ce qu'on rencontrait par exemple dans les Hain-Teny nierinas traduits par Jean Paulhan : des associations d'idées surprenantes, cette navette continuelle entre le plan du fabuleux et celui du réel, des procédés cérébraux et verbaux vraiment africains.

Onomatopées mises à part (il est vrai qu'elles foisonnent), Batouala pense et discourt de la façon la plus européenne qui soit :

« Je ne me lasserai jamais de dire la méchanceté des blancs. Je leur reproche surtout leur duplicité... II y a une trentaine de lunes, notre caoutchouc, on l'achetait encore à raison de trois francs le kilo. Sans ombre d'explication, du jour au lendemain, la même quantité de banga ne nous a plus été payée que quinze sous. »

Et que dire de ce récit de la mort du chasseur Coquelin par Bissibingui :

Il fit un écart pour éviter l'énorme bête, l'évita, prit du champ, épaula de nouveau son fusil, appuya sur la gâchette... Tac ! un raté.

Et un peu plus loin :

Lorsqu'il reprit ses sens, mon Coquelin, toujours absolument seul, se semait faible, ah ! si faible...

Ce « tac ! un raté » et ce « faible, ah ! si faible » ne sentent-ils pas davantage la fréquentation de M. René Maizeroy que celle de la brousse équatoriale.

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