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ration assez décourageante puisqu’il ne la formule qu’après avoir proclamé l’impuissance scientifique, dogmatique et historique de la critique. Empirisme et impressionnisme, voilà, selon lui, son seul lot, et le goût, son unique pierre de touche.

S’il fallait donner un sous-titre à l’ouvrage de M. Boulenger, on choisirait donc volontiers celui de « Considérations critiques » plutôt que celui de « Jugements critiques ». Ce n’est pas que M. Boulenger craigne de conclure ou d’afficher préférences et antipathies, mais c’est qu’il a avant tout le souci de mettre en équation chaque problème et d’en examiner toutes les solutions possibles, et non point seulement celle qui lui paraît la meilleure ou la plus élégante. (D’où parfois un manque de concision, mais peut-être inévitable.)

C’est, dans chacune de ses études, à une discussion loyale, nourrie, d’une entière bonne foi que M. Boulenger nous convie. Il fournit en faveur de l’écrivain qu’il n’aime pas et que nous chérissons des arguments auxquels nous n’avions pas songé, et inversement, il signale chez celui qu’il aime des faiblesses que nous, qui ne l’aimons point, n’avions pas aperçues. Jamais chez lui ne se rencontrent cette malveillance, ce mépris à peine déguisé ou cette rosserie qui nous gâtent certaines pages critiques de Lemaître et rnême de France. L’ironie en critique est une arme déloyale.

Le second mérite de M. Boulenger, dont la culture a de profondes racines dans le passé national, est de situer les œuvres qu’il étudie dans une tradition, d’en démêler les tenants et aboutissants. Façon polie de montrer le manque d’originalité de la plupart, sans doute, mais plus encore souci de montrer la continuité de toutes les belles traditions littéraires françaises et de combattre ceux qui prétendent ne conserver qu’une ou deux ou trois de ces traditions et condamner les autres sans appel.

Un troisième mérite de M. Boulenger, c’est le courage avec lequel il affronte les grandes discussions « de base », si l’on peut dire : problème du style, stendhalisme, dandysme, naturalisme, etc.. Il s’y montre excellent.

M. Boulenger a bien fait de préciser ses préférences littéraires et de dérouler tout au long ses théories sur l’art d’écrire. On souhaite à présent lui voir appliquer sa lucidité, sa finesse et