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LE CARNET DES ÉDITEURS 3

F. DE LA GuÉRiNiÈRE : LE GRAND D'ESPAGNE, i vol. in-i8 à 6 fr. 75 ' (Il a été tiré de cet ouvrage 30 exem- plaires sur vélin pur fil Lafuma, numérotés de 1 à 30).

Une histoire fantastique, douloureuse, humaine. .M. de la Guérinière nous conte l'épouvantable fatalité qui pèse sur l'une des plus vieilles et des plus nobles familles d'Espagne :

Baroncelle, à la mort du marquis son père, apprend sa ruine et tombe dans le plus sordide dénuement. Mais il est pourvu de ses licences et ses anciens maîtres — des religieux — lui pro- curent à propos une place de précepteur dans un château des environs de Tolède, pour parachever l'éducation de l'un des deux héritiers, un nain, grand d'Espagne et comte de Ségovie. Ce nain possède l'âme d'un Cid Campéador ; un immense besoin de domination et de conquête le tourmente : sa taille d'avorton lui est un insurmontable obstacle. Il aime une belle jeune fille, dona Conception, son amie d'enfance. Lorsque son frère, capi- taine au Maroc, qu'il méprise, revient au château et prétend épouser la jeune fille, le comte de Ségovie l'enlève, en fait sa femme et l'emmène à Venise où commence, pour le couple, une vie étrange. Dona Conception, qui aime le comte, en plusieurs circonstances aura honte de lui ; elle regrettera même le beau capitaine à jamais perdu... Elle meurt en donnant le jour à deux jumeaux dont l'un aussi restera nain. Mais tous périssent, sauf le comte, que Baroncelle. des années après, reconnaît dans la personne d'un mystérieux prédicateur.

Avec une remarquable souplesse de style, M. de la Guéri- nière développe ce récit haut en couleur et d'une conception vraiment originale. Ses personnages vivent d'une vie intense, dans des décors à la Goya ou parmi les chatoyantes harmonies chères à Monticelli. Autour de l'mtrigue, de sobres et puissantes descriptions — toute la magie du xviiie siècle italien évoquée en quelques pages — une action, une angoisse étrange prêtent à cet ouvrage un indiscutable attrait et en font une œuvre d'art à ranger auprès des livres d'Elémir Bourges, à qui, à notre sens, M. de la Guérinière s'apparente.

��I. Bernard Grasset, 61, rue des Saints- Pères, Paris (Vie).

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