Page:NRF 17.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

70 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��III

��Or c'était un jour extraordinaire, et Victor y faisait figure de héros. Lui qu'un seul mensonge désemparait, à qui l'on réclamerait certainement de la joie, comment dissi- mulerait-il sa peine ?

Il revint le soir par d'autres rues, pour ne pas chanceler devant Crépuscule. Le visage indifférent des maisons, la face fermée de ces passants inconnus, de ces passantes qui lui parurent hautaines et sévères, la physionomie farouche des arbres, tout acheva de lui briser Tàme.

Il arriva. Son oncle Alfred était déjà là. Son père dont le travail pressait, sa mère qui surveillait la cuisine, remirent Victor à cet indulgent célibataire, qui l'emmena dans le jardin.

Viaor jugeait qu'il ne pouvait pas y avoir un homme plus bête. Il était pourtant fort bien considéré à son minis- tère. Son dossier le disait exacte soigneux, dévoué ; ses chefs estimaient en lui une hardiesse modeste, cette liberté d'esprit modérée et sage qui convient à la démocratie. La montrait-il trop ou trop peu à son neveu ? Victor trouvait que, sous couleur de donner tout, il reprenait bien davan- tage. C'était im quadragénaire maigre, avec une barbe noire en éventail et des yeux bruns qui, hésitants sur les hommes, se posaient avec décision sur les choses.

Le troène en fleurs, près de la tonnelle, exhalait son odeur amère. Quelques pas ; puis l'oncle et le neveu s'as- sirent sous le platane et, contemplant le soleil qui descen- dait entre deux villas blanches, ils tinrent conversation.

— Te voilà grand, commença l'oncle, tu as bien déjà tes petites idées. A quatorze ans, on est presque un esprit libre. Ah moi, à ton âge !...

Il sourit, il soupira. Victor l'écoutait avec un ennui épou- vantable. Il demanda :

�� �