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��DE L'AGE DIVIN A L'AGE INGRAT (Mémoires), par Francis Jammes (Pion et Nourrit).

Les mémoires sont à la mode. La mode n'en est pas neuve et, même dans les temps classiques, les précédents ne manquent pas. Mais le règne de Stendhal (qu'il prévoyait pour 1880 environ) et, ce qui est moins heureux, du Slendhalismc, déplorable en soi comme toutes les choses en isme, se conju- guant avec îe règne éternel de Rousseau et de Chateaubriand à l'inépuisable prestige, vaut au genre un regain de faveur et de vie. L'homme, tant qu'il sera ce qu'il est, ne se lassera pas de se pencher sur l'homme et très spécialement un certain homme sur le certain homme qu'il est. Et cela d'autant plus que l'indi- vidualisme aura pris plus de force et que l'individu épris exclu- sivement de lui-même et indifférent à son créateur tendra à se substituer davantage à la communauté, à l'univers des êtres et des choses, à la création de Dieu. C'est un bien, c'est surtout un mal. Mais il nous apporte quelque lumière et tel écrivain orthodoxe qui n'échapperait pas au penchant surtout roman- tique de se confesser en public, pourra à l'occasion le faire sans trop de vanité, en se remettant à sa place qui n'est qu'une très petite place dans le tout. Ainsi Francis Jammes nous donne aujourd'hui le roman sans péripéties, sans retour sur soi, sans truquage aucun, avec une pointe à peine de systématisation littéraire, de son entrée dans le monde des paysages, des fleurs, des animaux, je ne dis pas des hommes, car jusqu'à nouvel ordre l'enfant qu'il est encore entre «l'âge divin et l'âge ingrat » ne semble pas saisir la différence entre l'animal bipède et les autres. Il vit dans la sensation, étant doué mieux que quiconque pour saisir et clicher l'aspect ; c'est par le dehors qu'il con- quiert ; aussi, né poète en face des fleurs ; il nait humoriste en face des hommes. Notez-le bien, il n'aura pas besoin par la «uite de raffiner sur la sensation, de cultiver sa vue, son ouïe, son odorat, son goût, voire son toucher ; le don tardif de l'ana- lyse qui fait qu'un Proust, en se tournant vers son passé d'enfant, recompose ses impressions « en homme » et sait les enrichir de tout l'acquis de la maturité, est aussi étranger que possible

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