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738 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tairement et librement reconnu. L'homme sent bien que ce qu'il croit juste doit se montrer tel aux autres, et même à l'adversaire, et que cet accord est la marque du Juste, comme du Géométrique, comme de toute pensée... Dans le cas où celui qui croit avoir droit veut imposer ce droit par la force et y par^'ient, il est clair que cet établissement de force ne crée aucun ordre de droit entre le vainqueur et le vaincu. » Voilà ridée et le Fait correctement opposés ; après quoi, le problème est de les rejoindre, pour que l'Idée ne reste pas dans les nuages. C'est fort bien d'affirmer que le vrai Droit vise à la Paix véritable, et de n'appeler droits que les pouvoirs dont l'exercice garantirait, selon les lois de la nature humaine, un libre et durable accord ; mais il reste vrai que ces pouvoirs ou droits ne sont pas tous l'objet d'un accord présent. Partout où n'existe pas même cette condition d'un accord futur : la libre discussion sous une loi commune, on voit des droits, s'exerçant en dépit de la violence, n'apparaître sous leur vrai jour à l'adver- saire et n'être enfin librement reconnus que bien longtemps après s'être exercés. Ainsi la Force, selon l'Idée juste ou injuste qui la guide, ne peut rien directement, qu'assurer ou empêcher Fexercice de certains pouvoirs ; mais comme la valeur de ces pouvoirs peut ne se révéler à la partie adverse que par leur exercice même et par l'expérience du fait, la Force agit donc indirectement, non sur la pure idée du Droit, mais sur les âmes où s'éclaire ou s'obscurcit la conscience des divers droits. De là passant aux traités, on voit d'abord qu'avant la guerre un ordre maintenu par force ou par menace n'est pas une véritable paix. Après la guerre, pas davantage : « La paix est un ordre de droit librement reconnu par les parties » ; la force du vainqueur ne supplée pas à l'assentiment du vaincu ; et l'assentiment fait toujours défaut, dans ces heures troubles de la défaite où chaque appétit déçu prend l'aspect d'un droit violé. Vouloir un traité juste, c'est viser l'avenir ; c'est vouloir un ordre tel que le vaincu, ses passions retombées, puisse et doive y consentir comme y trouvant, non moins que le vainqueur, toutes libertés compa- tibles avec les droits égaux d'autrui. Calcul difficile à faire, dans les heures troubles de la victoire ; calcul où chaque erreur crée un danger. Mais ne dites pas que tous ces traités se valent, ayant la force pour origine. Aucun n'est la paix véritable ;

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