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CHRONiaUE DRAMATIQ.UE 729

mot. Comme cette terrasse était petite et mesquine, comme ce paysage était truqué, au fond ! Et ce chanteur, avec sa romance dans le lointain, qui semblait chanter là tout exprès pour eux ? Un compère sûrement aux gages de l'hôtel et qui, du reste, chantait affreusement du nez ! Ils sourient, amusés de tout ce passé, et ensuite se quittent, en se souhaitant à chacun tout le bonheur possible. Peinture exacte, sensible et émouvante de l'amour. Les gens qui aiment les grandes phrases, le désordre, les exagérations peuvent la trouver fade et insuffisante. Laissons les dire. Elle est vraie et elle est humaine, ce qui vaut mieux que le lyrisme et l'emphase. Son grand mérite, comme je l'ai dit, en plus de tout ce qu'elle exprime, est encore dans tout ce qu'elle suggère dans l'esprit du spectateur. Les personnages ne s'expliquent pas, ne se jugent pas, ne se racontent pas, ne se répandent pas en discours sur leur cas. Ils parlent, ils agissent. Nous tirons la conclusion. Nous rêvons, en les voyant, à ce qu'est l'amour. V'étheuil et Claudine se sont aimés. Pendant huit mois, une éternité ! ils ont été tout l'un pour l'autre, ils se sont fait souffrir mutuellement, l'un exigeant, l'autre jaloux à l'excès, ils se sont quittés tout l'être déchiré comme des êtres à qui on arracherait le cœur, et un jour, se retrouvant, ils sourient de tout cela, qui leur apparaît puéril, exagéré, un peu théâtral, un peu comique.

Après cela, j'aurais bien des choses à dire sur la morale de Vétheuil et celle de Claudine. Le premier préfère rompre plutôt que de tromper un ami et la seconde s'y résigne plutôt que de faire souffrir son vieil amant en le quittant. Le premier me sem- ble manquer du sens du comique et la seconde s'exagérer la situation. L'homme qu'on trompe n'en souffre que s'il le sait. S'il l'ignore, et c'est un devoir en effet de tout faire pour qu'il l'ignore, il n'en souffre nullement. Vétheuil est un bon jeune homme, au fond, pour ne rien sentir ainsi de tout le piquant que donne à l'amour le spectacle de l'homme qu'on trompe et des mille ruses et adresses de la femme pour satisfaire son amour sans rien déranger de sa tranquillité. Molière seul a peint au vrai le mari trompé, personnage comique s'il en est. Ce qui est curieux également, dans ces sortes d'histoire, c'est qu'on y donne généralement beaucoup plus d'importance à des scru- pules de morale purement inventés qu'à la répugnance physique

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