FRAGMENTS INEDITS DU JOURNAL INTIME 693
��31 JUILLET 1878
Il y a du cuistre, du butor, du rustre, du lourdaud, du manant, du pédant, c'est-à-dire du sot dans une quantité de savants en us, qui ne sont pas hommes du monde. Cela justifie Tantipathie de bien des Français instruits pour les pesanteurs germaniques. Le Germain n'a pas la finesse de race, la distinction innée ou acquise, la politesse des hom- mes du midi ; il manque de grâce et de légèreté.'
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse, Ne saurait passer pour galant.
Dès qu'il sort de sa GrundUchkeit, de son Innerlichkeit, de sa profondeur et de son intimité, il se montre à son désa- vantage, et il va jusqu'au bout de ses défauts, n'étant pas averti par le tact social, de la limite à ne pas dépasser. Une fois dévoyé, émancipé, perverti, il sera plus grossier, plus vil, plus ignoble que personne.
Loi d'ironie. Corruptio opiimi pessima. Il serait bien fâcheux qu'il n'existât que des Allemands ; car si l'Allemand a des qualités de premier ordre, il a des défauts propor- tionnels. Aucun peuple ne peut être supprimé sans dom- mage. Toutes les nations réunies ne sont pas de trop pour représenter l'homme un peu complet. Chaque nation prise par son côté faible est une grimace, une caricature de l'hu- manité ; il faut qu'elles se contrebalancent. Réciproque- ment les beaux spécimens de chaque nation se font valoir par leurs contrastes.
Je m'aperçois que je n'aime que l'homme type, l'homme idéal et que le nationalisme ne me retient pas sous son pré- jugé. Les défauts genevois me choquent autant que les lai- deurs bernoises, et je ne suis pas sûr de préférer les Suisses aux Américains, les Français aux Allemands, les Européens aux Asiatiques, les chrétiens aux musulmans.
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