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cipe de la démocratie, et que ce principe, chéri de l’envie et de la jalousie des médiocres, se traduit en aversion secrète pour les supériorités. La démocratie donnera donc habituellement le pouvoir non aux meilleurs et aux plus capables, mais à ceux qui sauront lui plaire ou l’entortiller, se faire valoir ou se mettre en avant. Les remuants, les courtisans, les adroits, les habiles seront ses héros, — Il semble donc que la démocratie est comme la vertu : il en faut, mais pas trop n’en faut. L’élément démocratique dans l’état est précieux, la démocratie pure est le moins recommandable des états. Mais invitez la démocratie à se modérer elle-même, à se donner un contre-poids, à s’élever jusqu’à la sagesse ? Elle vous rira au nez, car sa volonté étant la loi, cette volonté lui paraît en même temps la sagesse et la justice. Le despotisme de la moitié plus un lui paraît la liberté. Se défait-on des illusions qui satisfont nos goûts et flattent notre amour-propre ? Guères, L’amour de la vérité à tout prix n’est la maladie que de peu d’esprits courageux et désintéressés.


18 NOVEMBRE 1872


Le destin me dit : Apprends à te taire, etc. Je n’ai jamais pu ni voulu accepter cette fausse position de parler soi-disant par vanité personnelle et désir de renommée, quand c’était le désir d’être utile ou de faire plaisir qui seul était mon mobile. Dès qu’il m’a été démontré que le public genevois tenait fort peu à m’entendre, il m’a été extrêmement facile de rester coi, car personne n’éprouve moins le besoin de s’imposer que ma Wenigkeit; et je suis trop fier aussi pour chercher à plaire et à séduire. Marc Monnier me disait : Vous tâteriez si bien le pouls au public ! c’est possible, mais je ne sais faire de frais que par sympathie et pour des amis, et le public est la masse des frivoles, des indifférents et des moqueurs. Etre orateur, acteur, courtisan, enjôleur m’est