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658 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

credi leur vieille cuisinière s'étant coupé la veine du bras, Cottard déjà en smoking pour aller chez les Verdurin avait haussé les épaules quand sa femme lui avait timidement demandé s'il ne pourrait pas panser la blessée : « Mais je ne peux pas, Léontine, s'était-il écrié en gémissant, tu vois bien que j'ai mon gilet blanc. » Pour ne pas impatienter son mari, M™"" Cottard avait fait chercher au plus vite le chef de clinique. Celui-ci pour aller plus vite avait pris une voiture, de sorte que la sienne entrant dans la cour au moment où celle de Cottard allait sortir pour le mener chez les Verdurin, on avait perdu cinq minutes à avancer, à recu- ler. M°'^ Cottard était gênée que le chef de clinique vît son maître en tenue de soirée. Cottard pestait du retard, peut- être aussi par remords, et partit avec une humeur exécrable qu'il fallut tous les plaisirs du mercredi pour arriver à dis- siper.

Si un client de Cottard lui demandait : « Rencontrez- vous quelquefois les Guermantes ? » c'est de la meilleure foi du monde que le Professeur répondait : « Peut-être pas justement les Guermantes, je ne sais pas. Mais je vois tout ce monde-là chez des amis à moi. Vous avez certainement entendu parler des Verdurin. Ils connaissent tout le monde. Et puis eux du moins ce ne sont pas des gens chics décatis. Il y a du répondant. On évalue généralement que M""^ Ver- durin est riche à trente-cinq millions. Dame ! trente-cinq millions c'est un chiffre. Aussi elle n'y va pas avec le dos de la cuiller. Vous me parliez de la duchesse de Guermantes. Je vais vous dire la différence : M"'" Verdurin c'est une grande dame ; la Duchesse de Guermantes est probable- ment une purée. Vous saisissez bien la nuance, n'est-ce pas ? En tous cas que les Guermantes aillent ou non chez j^^me Verdurin, elle reçoit, ce qui vaut mieux, les d'Sherba- toff, les d'Forcheville, et Ititfi quanti des gens de la plus haute volée, toute la noblesse de France et de Navarre à qui vous me verriez parler de pair à compagnon. D'ailleurs ce genre d'individus recherche volontiers les princes de la

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