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LES REVUES 637

Le cran se prouve-t-il en soutenant des idées subversives ?

Au théâtre, les idées subversives ne desservent pas toujours l'auteur qui les défend... Elles le « portent » même, aussi bien que peuvent le faire, en d'autres occasions, les bonnes théories bourgeoises...

Au point de vue du juge d'art, les hardiesses pour choquer sont aussi condamnables que les bons petits trucs pour plaire.

Le vrai cran, c'est tout autre chose, et il ne s'agit pas de confondre le matamore avec l'homme vraiment courageux.

L'homme courageux est celui qui a du cœur à l'ouvrage, et qui traite complètement, sans défaillance, sans tricherie, sans trahison, le sujet qu'il a osé concevoir.

Le doux Racine était un homme plein de cran. Relisez la scène de Burrhus et de Narcisse. C'est du travail, comme dit l'autre.

Dumas fils a donné l'impression qu'il avait du cran... Ce n'était par- fois qu'une apparence. Il posait un cas de conscience difficile. Mais la solution en était sournoisement facilitée par une petite complaisance de l'auteur. C'est ainsi qu'une action félone de la baronne d'Ange vient à propos pour libérer de ses scrupules Olivier de Jalin.

A ces instants, Dumas travaillait à la façon de ces toreros à la manque, qui vont chercher les applaudissements de la foule en exécu- tant des « passes » sensationnelles, que les vrais aficionados mé- prisent, parce qu'ils n'y voient que de fausses hardiesses, sans mérite, sans danger.

Et plus loin :

Le cran, c'est de risquer, c'est d'accepter la bataille, en mettant en présence, comme faisait Feydeau, les deux personnages qui ne doivent pas se rencontrer.

Le cran, c'est de ne pas trop prévoir. Celui qui prévoit trop n'agit plus. Le cran, c'est de s'embarquer, quand il le faut, sans biscuit. Car une lourde charge de biscuit nous empêche d'aller de l'avant...

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��SUR L'ENSEIGNEMENT ARTISTiaUE

Au moment où il va ouvrir son école de comédiens, Jacques Copeau, dans les Cahiers du Vieux-Colombier, réfute l'objec- tion que l'on a pris coutume d'opposer à tout enseignement artistique :

On peut penser avec Goethe qu'il n'y a que les oeuvres extraordi- naires qui soient indispensables. Mais il en est de moins éclatantes eu qui l'on voit briller la santé et la force, et qui tiennent solidement leur

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