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KOTES ^ 633

belles images poétiques : le fiacre de nuit, l'atîaire du Grand- Théâtre, les fontaines de la place de la Concorde. Là, les faits tiennent la place des mots et les personnages celle des idées^ nécessairement puisque celles-ci et ceux-là toucheraient peu le public populaire pour qui on écrit de tels romans, où l'action remplace le style. Le héros y est toujours victime de la fatalité et d'une erreur judiciaire qui le conduit au crime. Né de parents pauvres mais honnêtes, il pleure en songeant à sa mère, à son enfance, au toit paternel. Il maudit la Société, jure le saint nom de Dieu, mais ôte son bonnet au crucifix et donne aux pauvres. Sévère et chaste, il ne se baigne jamais dans le fleuve du Tendre. Il ignore la volupté de répandre le sang, de faire couler les larmes ; doux assassin sentimental jusqu'à la sensiblerie, -il garde au fond de son cœur l'image de celle dont le nom est tatoué sur sa poitrine parmi les devises martiales et les attributs galants. Il est bon fils, bon époux, bon père, bon citoyen, bon chrétien. Chéri-Bihi qui n'est pas une œuvre sans intérêt, difl"érente de celle que j'ai citée plus haut, lui est aussi inférieure. Différente par la moindre étendue de l'action, son cadre plus étroit et la suite à peu près logique des événements, une fois admises les premières invraisemblances qu'on trouve au début de toute fic- tion. Inférieure par ces mêmes raisons qui ne permettent à l'auteur qu'un usage modéré de l'imagination et de la fantaisie. Un autre reproche à faire encore à M. Gaston Leroux: l'em- ploi de l'ironie fort déplacée dans un livre de ce genre. Il est regrettable que l'auteur semble parfois douter de l'existence de ses personnages et se moquer d'eux. Ceux-ci pourraient bien se venger. Que dirait M. Gaston Leroux s'il rencontraitun jour son héros menaçant dans une allée déserte du Bois de Bou- logne ? S'il m'arrivait de créer un aussi dangereux personnage, je dormirais mal, je l'avoue. C'est un jeu que de s'évader d'une bibliothèque et les livres sont bien mal fermés. Querellons encore M. Gaston Leroux. Il écrit :

avec, comme on dit (c'est moi qui souligne ces trois mots superflus), le courjge du désespoir et de la vengeance (tome I, p. 6))

et plus loin :

ricana, comme ricanent les démons au fond de l'enfer du Dante... (tome I, p. 168).

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