Page:NRF 17.djvu/619

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHRONIQUE DRAMATiaUE 613

scène de plus, avec l'Œuvre et le Vieux-Colombier, pour des œu- vres intéressantes que les autres théâtres ne veulent pas accueil- lir. Ce qu'il faut dire, c'est que c'est une chimère de vouloir offrir au public d'autres oeuvres que celles qu'il aime et de croire qu'il saura les apprécier. L'éducation artistique du pu- blic ? l'art pour le peuple ? tout ce qu'on a rêvé dans ce sens ? Autant entreprendre de rendre intelligents et sensibles les gens qui ne le sont pas. Vous n'empêcherez jamais que certaines gens se plaisent mieux au café-concert qu'à une pièce d'Ibsen et entendent mieux les polissonneries de certains vaudevilles que la passion de Racine ou l'esprit de Beaumarchais. C'est même ce qui fait la valeur des pièces d'Ibsen, la beauté de Racine et l'esprit de Beaumarchais de n'être pas entendus par eux. Je suis gêné d'exprimer de tels lieux communs. J'ajouterai que tout est bien ainsi. J'ai horreur des rustres qui font des grâces et j'aime mieux un brave imbécile qui se satisfait de choses à sa mesure que le même faisant l'entendu à d'autres qui l'ennuient en secret. Qu'on laisse l'art tranquille. Notre époque n'a déjà abaissé que trop de choses. Qu'on ne se mêle pas d'enseipner ce qui ne s'enseigne pas, ce qui est don, sens, aspiration, compré- hension naturels et, malgré tout ce qu'on peut dire de con- traire, l'apanage d'une élite. Les choses à apprendre au peuple ne manquent pas, auxquelles il est d'ailleurs aussi rétif. M. Ro- dolphe Darzens a fait jouer au Théâtre Moncey, dont il est éga- lement directeur, une pièce de M. Léon Frapié : La Maternelle, qui aurait dû avoir de l'intérêt pour les habitants du quartier dans lequel se trouve ce théâtre. Combien ont été la voir ? Ils aimaient bien mieux le café-concert voisin ou tel cinéma avec ses films rocambolesques et ses apothéoses de cabotins et de cabotines, le résultat le plus clair du cinéma présentement. Depuis le temps que la plaisanterie dure, avec le théâtre pour le peuple, les musées du soir et l'art pour tous, les gens qui y ont cru devraient en être revenus. M. Rodolphe Darzens en est-il revenu pour sa part ? Toujours est-il qu'il a rouvert le Théâtre des Arts à des œuvres d'un genre plus courant que les produc- tions de la Coopérative des auteurs dramatiques. La demoiselle de magasin, de M. François Fonson, avec laquelle il a commencé sa saison, est d'ailleurs une excellente comédie, pleine de finesse à beaucoup d'endroits, avec un comique aussi sûr que

�� �