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CESAIRE 591

quoi il ressemble ?... A un vieux bourri qui court après un veau. (// rit,)

Benoit. — Ris tout ton soûl ! Ça m'aidera toujours à ne pas m endormir. Je n'ose plus fermer les yeux. Sitôt qu'il voit que je dors, il se lève.

Lazare. — En voilà des histoires ! Il dort comme un bloc.

Benoit. — Peut-être que ce n'est que son esprit... Je le sens qui s'approche, puis qui commence à me parler...

Lazare. — Qu'est-ce qu'il te veut ?

Benoit. — La nuit dernière il me disait : « Je vais te faire connaître tous les signes qu'elle a sur le corps : d'abord une petite marque à la saignée du coude, un point rond, pas plus grand que la pupille de Toeil... » Alors je lui ai crié : « Parbleu ! tout le monde pouvait le voir, ce signe, dès qu'elle relevait un peu la manche. Mais les autres, tu ne les connais pas. Tu n'as pas pu les voir. Dé- cris-les pour qu'on sache si tu mens ! » Je songeais à une marque qu'elle a sous le sein gauche et à une autre, un peu allongée, qu'elle a sur la hanche. Mais comment veux- tu qu'on lui cache quelque chose ? il lit dans la pensée. Il a répondu : « Ce n'est pas à moi de me justifier. Je ne doute pas de ce que je sais. C'est toi qui doutes. Va-t-en au diable ! » Mais dès qu'il s'est éloigné de deux pas, je l'ai rappelé. Je ne pouvais pas supporter son défi. Je vou- lais le confondre. Je lui ai crié : « Ose dire, bête fourbe, qu'elle avait pour moi quelque chose de caché ! Elle a un signe sous le sein gauche. » Il gardait comme toujours son espèce de sourire, et à ce moment-là, j'aurais juré qu'il ne savait rien et que je venais de trop lui en apprendre. J'aurais dû me coudre la bouche, mais il recommençait à me braver, à m'affoler par ce qu'il nomme ses souvenirs, si bien que j'e ne sais pas si c'est moi qui lui ai d'abord parlé du signe de la hanche, celui qui a la forme d'une goutte et qu'on ne peut pas connaîa*e si l'on n'a pas été son amant...

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