CÉSAIRE 587
Benoit. — On y est bien !
CÉSAIRE. — On étire ses jambes dans la mousse et on s'appuie du dos contre les racines d'un arbre...
Benoit. — Tu nous a bien regardés !
CÉSAIRE. — Ce sont des pins..,
Benoit. — Encore vrai !
CÉSAIRE, plus mystérieux. — Un jour, j'ai glissé parce que la terre est couverte d'aiguilles. Rose-Marie pesait sur mon bras et je me suis fendu la main sur une pierre coupante.
Benoit. — Qu'est-ce que tu chantes ?
CÉSAIRE. — Je dis que je suis tombé sur la main...
Benoit. — Il serait drôle tout de même qu'il te soit arrivé juste la même aventure qu'à moi !
CÉSAIRE. — Qui te parle de tes aventures ?
Benoit. — Montre ta main, menteur !
CÉSAIRE. — Montre la tienne. — Ça, c'est une coupure de couteau.
Benoit. — Tes plaisanteries sont aussi stupides qu'au- trefois. Si tu n'as rien de mieux à dire, couche-toi !
CÉSAIRE. — Tu veux t'en tirer à trop bon marché ! Il faudrait être raisonnable et ne pas te donner des airs de connaître si bien le bois de Bourgueux du côté des dunes... Qui sait si tu y as jamais été ?
Benoit. — A la fin, je ne te réponds plus. C'est trop bête ! Je sais, je pense, à quoi m'en tenir. Ça me suffit.
CÉSAIRE. — Tu sais, dis-tu ? Non, tu ne sais rien ! Vous êtes comme les puces de mer qui sautillent du varech sur le sable, puis de nouveau sur le varech, parce qu'elles ne savent déjà plus comment on y était... Peut-être c'est le rouge et le vert que vous voyez qui vous tournoie devant l'esprit et qui vous empêche de rien vous rappeler.
Benoit. — N'aie pas peur ; mes souvenirs sont nets, comme la marque d'un pouce dans une motte de beurre frais.
CÉSAIRE. — Tes souvenirs ! parlons-en !... Même pour ce que tu as vu souvent, ta mémoire c'est une claie qui
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