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586 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mis sur le dos. Tu ne peux plus rien, et tu donnerais dix ans de ta vie pour sortir de ta peau d'impotent.

Césaire, tranquillement. — Elle vaut bien la tienne à cette heure.

Benoit, debout et avec une extrême violence. — Inutile de faire l'insolent ! Toi ?.,. Est-ce qu'on sait seulement si tu entends, si tu vois clair?... Pourquoi t'a-t-on renvoyé du service des phares ? Tu confondais les feux verts et rouges... Tu n'es pas un homme à vrai dire, mais une souche. Quand il faut te servir de tes mains pour recoudre une voile ou remailler un filet, tu sues, tu peines, tu ne fais pas en une journée ce qu'un mousse achève en deux heures... Un joli cadeau que nous a fait la compagnie ! (Sous l'arrogance de Benoît, Césaire reste impassible. Par moirmits, quand l'injure est trop sensible, il s'arrête defmmr, puis il reprend une bouffée.^ Dire qu'on a pu prendre au sérieux tes simagrées et qu'à cause d'elles nous nous gâtions notre plaisir... Tiens, le jour où la Rose-Marie et moi nous étions étendus à la lisière du bois de Bourgueux, elle, appuyée sur ma poitrine, et qu'entre deux sommes — car tu penses qu'on ne man- quait pas d'être fatigués — nous t'avons entendu rôder dans les feuilles, Rose-Marie marmottait : « Lève-toi ! défends- toi ! » Mais moi je lui disais : « Ne fais pas un mouvement. N'ayons pas l'air de l'avoir vu. Il s'en ira ». Et tu es parti !

CÉSAIRE, comme indifférent. — Qu'est-ce que je pouvais vous faire ?

Benoit. — C'est vrai qu'à coups de pierre tu n'atteindrais pas ton homme couché là dans le milieu de la chambre.

CÉSAIRE, relève enfin la tête et, sans hâte, en Jmnme qui sait quil a le temps. — Ce n'est pas trop sage, mon bon, de me rappeler mon meilleur souvenir.

Benoit. — Tu n'es pas difficile.

CÉSAIRE. — Le beau petit bois de Bourgueux, surtout vers la lisière qui regarde sur les dunes ! 11 y a un remblai, pas trop haut, derrière lequel on est caché comme dans un nid.

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