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JÉRÔME ET JEAN THARAUD 559

d'une mode éphémère, ou bien l'adhésion de la postérité, l'enregistrement des grammairiens naturaliseront-ils dura- blement ces hardiesses et ces essais ? On hésite à le décider.

Avec les Tharaud, aucun trouble de cette sorte. Leur forme n'est pas un point de départ, c'est un aboutissement, la résultante de toutes les plus belles traditions nationales, depuis la Pléiade jusqu'aux impressionnistes de la fin du xix'^ siècle, en passant par le grand siècle, par celui de Voltaire et le romantisme.

Tous les matériaux qu'ils emploient sont éprouvés ; leur tri est sûr ; ils ont le regard perçant du lapidaire qui rejette toute pierre douteuse, un sens infaillible de ce qu'on nomme au collège la « bonne langue », éloignée de toute affectation et pourtant recherchée ou même un tantinet précieuse. Ils aiment l'archaïsme et le craignent; ils adorent le mot technique et le redoutent ; ils chérissent les adjectifs concrets et les tempèrent à tout moment d'adjectifs abstraits ou neutres (« un affreux courant d'air ») ; ils recherchent la pureté de l'antique parleure et pourtant ils n'hésitent pas à truffer leur texte de mots anglais, arabes ou hébreux (« le wharf », « l'almémor », « le bendir et la rhaïta »).

Ce qu'est le travail du style pour eux, les Tharaud nous ont offert un moyen de l'apprécier en pleine connaissance de cause en publiant du Dinghy, l'illustre écrivain deux ver- sions différentes. Voici confrontées les deux leçons du début de cet ouvrage qui leur donna la notoriété :

��Première Version

Partout où l'on parle an- glais, personne n'ignore le nom de l'illustre écrivain Din- gley. Les enfants eux-mêmes le connaissent : maint d'entre eux apprend à lire dans ses livres.

��Deuxième Version

Partout où l'on parle an- glais, personne n'ignore le nom de l'illustre écrivain Din- gley. Les enfants eux-mêmes le connaissent : maint d'entre eux apprend à lire dans ses livres.

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