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JÉRÔME ET JEAN THARAUD

��Auprès du public comme auprès des lettrés, les frères Tha- raud ont une réputation bien établie : ils « écrivent bien ». Louange méritée. On lit un chapitre, une page, une phrase des Tharaud, et la première, la plus forte impression qu'on en retire, c'est celle de la perfection de leur prose.

S'agissait-il d'évoquer un paysage ? Toutes les grandes lignes de son architecture, et chacune à son plan, s'y retrouvent, et ses couleurs, toutes ses nuances, son sens, ses moindres inflexions. D'une anecdote ? Elle s'ouvre lentement comme un éventail pour finir en coup de vent ou se déboîte comme les tubes d'une longue-vue pour s'achever en panorama. D'une argumentation historique, psychologique ou morale ? L'ordre et la raison y président ou, s'il le faut, les arguments se pressent, se chevauchent, zigzaguent jusqu'au but avec une maîtrise sans défaut. Quoi qu'ils tentent de traduire en mots, toujours les Tharaud y réussissent.

Y a-t-il une seule phrase manquée dans toute leur œuvre ? On serait tenté de parier que non. Miracle d'un don verbal qui n'est fait ni d'abondance, ni d'imprévu, mais d'une propriété exemplaire dans l'expression, d'un sens de l'épithète que bien peu d'écrivains français d'au- jourd'hui possèdent aussi raffiné, et surtout aussi éclecti- que, d'un usage exquis des ellipses, de l'emploi savam- ment alterné de tous les modes de l'élocution, depuis le ton de la causerie familière jusqu'à l'austère froideur de l'histoire, jusqu'à l'éloquence, jusqu'au lyrisme.

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