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55é LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

je penserai avec le plus de plaisir. A cause de Finja, d'abord. Je me rappelle, quand nous étions à Elseneur, regardant la côte suédoise, en face, un peu avant le départ pour Finja, je lui ai récité la fin des « Deux Pigeons » : Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines... Oui, pendant une semaine nous avons été amants ; nous ne l'avions pas été avant, et ne l'avons jamais été depuis; c'était comme si, malgré nous-mêmes, en dehors de nous-mêmes, sa vie et la mienne s'aimaient. Et ensuite, à cause de l'absence complète de souffrance, dans le temps passé ensemble depuis. La bonne camarade qui ne disait jamais non ; la compagne, et parfois le com- pagnon (« Ces deux types ») des promenades aventureuses : découverte des villes, jeux sur les plages, fêtes populaires, visites aux quartiers dangereux. Et quelquefois le partage et réchange de notre butin. Inga et ma jeunesse, ces an- nées de ma jeunesse, ce qu'il y aura eu de meilleur dans ces années-là. Mais je prévois aussi le temps, pas très éloigné, où cette période de nos deux jeunesses étant passée, nous cesserons de nous réunir. Surtout, à ce moment-là, laisser faire ; ne pas chercher à prolonger la longue aventure ; ce serait une faute de goût. Des points de suspension ; du blanc ; et un nouveau chapitre com- mence, en belle page. Mais savoir, ou deviner, qu'elle con- tinue à être heureuse. Et puis, il pourra y avoir une ren- contreïortuite ; mais ce sera sur un autre plan. Mademoiselle Ingeborg. Monsieur Francia. Quelle agréable surprise! Peut-être dans un restaurant, ou sur le pont d'un bateau, ou dans le couloir d'un wagon. Elle, avec la nouvelle amie, la cara, la diletta, « l'unica ». Et moi, tout seul, pro- bablement.

VALERY LARBAUD

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