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554 LA NOUVELLE lŒVUE FRANÇAISE

enveloppées de rameaux s'emplissent de nuit, retournent au passé, descendent au pays des rêves, s'évanouissent dans ce grand paysage où il n'y a que du noir, de l'azur et des reflets d'argent. Eh bien, non ! je ne céderai pas. Je res- terai. Ici, seul. Là-bas, ce serait toujours la même chose : la jalousie, les faux serments, les larmes, le partage, toute cette banale histoire se répétant semaine après semaine, mois après mois. Ne l'ai-je pas complètement épuisée ? tout ce qu'il y a d'aimable en elle n'est-il pas entré une fois pour toutes dans mon souvenir ? ai-je encore quelque chose à apprendre d'elle ? est-il possible que j'aie la faiblesse de l'aimer encore, sachant si bien ce qu'elle est et le peu que vaut son amour ? Non. Au fond, avec elle, ce que je veux, c'est avoir le dernier mot. Vanité. Mais c'est à cela qu'il faut me raccrocher, faute de mieux. Et mon seul moyen d'avoir le dernier mot, c'est de ne pas revenir. Ah, tu trouves que je ne m'aime pas assez. Tu verras bien. Ah, c'est pénible, de renoncer à elle, d'arracher cette chose si forte et si dure. Mais il y aura un jour, sûrement, où je la verrai comme les indifférents la voient, et où je pen- serai : Ce n'était que ça ! Oui, un temps viendra où je l'éviterai, où je serai gêné en pensant aux lettres que je lui écrivais, où je considérerai qu'en l'aimant je me suis fait un affront à moi-même, où j'aurai honte de l'avoir traitée avec la dignité de l'amour, et où, même dans mon souvenir, je ferai le silence sur elle. Mais maintenant, c'est bien douloureux. Me dire : que mon affection aussi a du prix, et qu'il vaut mieux ne pas la donner que la mal placer ; et que, d'autre part, j'ai pour elle beaucoup moins d'importance que je crois en avoir, même lorsque je crois n'en avoir que très peu. Aussi : je ne pense à elle que lorsque je suis content, et jamais quand j'ai quelque peine ou quelque sujet d'ennui : et c'est là un grand signe. Et puis, les projets : cette ville et la paix qu'elle me donne ; les jardins, les livres, le travail : peut-être quelque essai de traduction, ou céder à la manie écrivante. Joli pro-

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