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LES RAPPORTS INTELLECTUELS 515

(auxquels hélas ! on pourrait ajouter bien d'autres) sont si mortifiants pour notre amour-propre national, qu'il m'est pénible de les redire. Je préfère ne retenir de cet article que les réflexions que voici ; elle me paraissent si sages et si bien dites que je ne me retiens pas de les citer tout au long :

Nous avons une vie nationale et une vie internationale. L'une et l'autre se combinent dans notre atmosphère intellectuelle. La guerre nous ayant déshabitués nécessairement de la vie interna- tionale, l'ayant constamment affectée d'exposants nationalistes, soumise à un contrôle nationaliste, il est naturel que nous éprouvions aujourd'hui quelque difficulté à nous réadapter à elle. Certains cerveaux s'en montrent incapables. Et il n'est peut-être pas souhaitable qu'il en aille autrement. La division du travail intellectuel et social implique des spécialisations, une nation a besoin de défenseurs matériels et moraux à qui le nationalisme donne l'ossature qui leur permet d'agir et d'être.

Mais le danger du nationalisme exclusif pour la nation elle- même apparaît bien vite. Il est incapable de voir les intérêts généraux de l'humanité, de reconnaître les courants qui traver- sent les nations. Le sens de la vie internationale s'oblitère alors de la façon la plus dangereuse, et qui ménage de durs réveils. Je le sais bien, on contestera énergiquement que le nationalisme refuse de se préoccuper de la vie internationale, ni surtout de la vie des autres nationalismes avec lesquels il soutient constam- ment des rapports d'alliance et de lutte. Des intelligences natio- nalistes, des organes nationalistes, sont attentifs et ouverts à ce qui vient de l'étranger ; le nationalisme implique même une préoccupation constante et inquiète de l'étranger, on est tou- jours nationaliste contre quelqu'un. Mais précisément la préoc^ cupation d'utilité nationale compromet gravement l'information internationale. Il faut savoir s'en libérer momentanément, s'abandonner à l'étude désintéressée. C'est de cette manière seule qu'on peut arriver à la connaissance, et que la connaissance, à son heure, pourra se transformer en utilité. Un esprit que la guerre aura libéré de l'internationalisme de la paix aura chance de rendre des services précieux s'il demande à la paix de le libé- rer du nationalisme de la guerre.

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