Page:NRF 17.djvu/513

Cette page n’a pas encore été corrigée

LES REVUES 507

ville : un coin des monts du Forez où les papeteries délabrées font encore leur tapage de pilons, dans les vallées paysannes toutes riantes et verdissantes, des vallées d'eaux vives, d'herbages, de noyers et de frênes.

Enfouies sous les feuillages, mi-partie blanches et brunes, avec leurs murailles couronnées de planches, et coiffées de la tuile sarra- zine, les fabriques à papier ont la figure, presque, de certaines maisons de Syrie. On tient d'ailleurs que cette industrie s'est établie en Auver- gne au retour des Croisades. Ce qu'entendait dire en somme le vieux Ratou qui nous déclarait un jour sur la route : « Le papier, c'est un progrès que Louis XIV a rapporté du Maroc. » Proche le pont de Valeyre, couverts de lierre au milieu des arbres, on voit des pans de murs en délabre : la Dame et Escalon, — Damas et Ascalon ? — qui auraient été les premières papeteries de France....

Quels particuliers que ces papetiers, fiers de leur état, aimant les frairies à l'auberge et portés aux propos sentencieux. Jean les a encore connus, ceux-là qu'on voyait, trente ans auparavant, sous l'Empire, venir chaque dimanche à la ville en habit de serge jaune. Beaucoup avaient, comme on dit, des talents sur la clarinette. Ils les devaient à un des leurs, ex-musicien de régiment, glorieux d'avoir joué devant le roi à Saint-Cloud, — c'était pour lui «le dîner qu'il avait fait avec Louis- Philippe. » Et ces artistes rehaussaient de leur présence la procession de la Fête-Dieu, qui est la grande fête d'Ambert. Les autres papetiers suivaient en chantant, revêtus d'une robe et d'un surplis de chantre

loués à la sacristie.

Le grand-père-parrain était devenu papetier après avoir étudié pour être prêtre. Un esprit curieux, sans doute, et qui eut toute sa vie un goût pour la lecture. Peut-être en allait-il de lui comme d'un autre pape- tier de ce temps : celui-là, lorsqu'il partait pêcher la truite dans les torrents de ces hautes vallées boisées, fourrait dans sa poche une chan- delle et quelque livre. La pluie venait-elle à se lâcher, il s'asseyait sous un sapin devant les roches et les arnicas, allumait son luminaire et

passait sa nuitée en lecture....

Bien sûr, ces goûts rustiques ne sont pas, même chez ces villageois de roman, un amour de la nature à la Jean-Jacques. Ce contentement des belles journées, plutôt : le calme de l'après-midi au soleil qui couche les ombres bossues des pommiers sur les prés-vergers pleins de grillons. Et tel, là-haut, parlera quasiment avec lyrisme du joli mois de mai, lorsque le coucou chante au vert naissant des bois.

« Quand j'étais petite fille, on m'envoyait remplir la bouteille d'eau

�� �