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NOTES 497

tes et brusques visions, c'était l'Eternel Féminin qui, tantôt sous l'aspect de la Sagesse (Socp'.a), tantôt sous celui de la Vierge- Mère, imprégnait d'un mysticisme erotique tout le vaste sys- tème de Madimir Solovieff. Ce thème, en se développant, domi- nera la poésie d'Alexandre B!ock jusqu'aux années terribles delà guerre et de la révolution. La vision de la Dame de Beauté, de r « Inconnue », comme il dira plus tard, transparaît à travers ces vers, d'une douceur exquise, mais dont la sonorité ne se dissout pourtant pas en musique comme chez Balmont, par exemple : Block a l'imagination plastique et concrète ; avec cela, une légèreté, une liberté, un naturel que la poésie russe ne connaissait plus depuis Pouschkine. Un second recueil, la Joie Inattendue, vint confirmer cette impression ; au sentiment aigu et profond de la nature et de l'Eternel Féminin s'y joignaient d'autres motifs : sous l'influence de ses aînés, Brioussoff en Russie, Verhaeren à l'étranger, Alexandre Block découvrait la ville, l'usine ; aucune idéologie socialiste ou simplement révo- lutionnaire, dans ces vers, nulle description réaliste, mais des rêves, des visions empreintes d'une tendresse souffrante. Puis vinrent trois drames lyriques. Le Guignol, Le Roi sur le trône, où l'on sent passer le souffle des futures catastrophes, et VLt- connue qui exprime sous une forme symbolique le sentiment cher aux romantiques du contraste entre le rêve et la réalité en laquelle il transparaît. Le troisième recueil, La terre sous la neige, paru en 1908, marque une étape nouvelle : la poésie de Block était jusqu'ici exclusivement subjective ; il n'entre- voyait les choses qu'à travers son propre moi. Il s'en détourne maintenant pour voir, pour comprendre son peuple, son pays. Le chantre de la Dame de Beauté devient le chantre de la Russie, de la Russie souffrante, misérable, crucifiée, mais indiciblement belle, pleine de mystère. L'idée de l'Eternel Féminin s'élargit ici et prend un nouvel aspect dans ces visions de la Russie, amante et mère. C'est une tendresse pro- fonde, mais clairvoyante et qui se refuse au mensonge ; le poète voit la misère, la nudité humiliée de son pays, mais un mystère admirable y resplendit. Cette adoration religieuse, cette pitié, cette crainte aussi, pleine d'obscurs pressentiments, s'expri- ment avec plus de force encore dans le quatrième recueil, Les Heures nocturnes, 011 par instant frissonne une véritable

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