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486 LA NOUVELLE REVUE "FRANÇAISE

mensch, Mythische Trilogie (Munich, Kurt Wolff, 1920) que l'on dit être classique, et que d'aucuns comparent au Faust de Goethe. Sa pièce est en tous cas fort instructive, pour quiconque veut se rendre compte des tendances qui dominent dans la poé- sie moderne allemande.

La trilogie de M. Werfel représente l'histoire symbolique d'une vie. Thamal, dégoûté des voluptés terrestres, a pris la déci- sion de se retirer dans un couvent ; mais trop attaché encore à lui-même et aux vanités de ce monde, il succombe aux épreuves qui lui sont imposées avant de pouvoir être reçu moine. Laissé seul dans sa cellule, ses regards sont attirés vers un rideau mys- térieux. Il l'écarté et voit apparaître un miroir, dans lequel il se contemple. L'image le rappelant trop à lui-même et au passé qu'il maudit, d'un geste violent il brise la glace, mais ce n'est que pour voir surgir devant lui l'homme miroir, qui n'est autre que son alkr ego. A peine sorti de son cadre, l'homme miroir lui fait force compliments, glorifie sa puissance, et l'entraîne hors du couvent pour devenir désormais son compagnon insé- parable.

Nous ne suivrons pas Thamal dans sa course à travers le monde. Il tuera son père pour avoir son argent, il séduira Amphé, la fiancée de son meilleur ami ; il finira par se croire Dieu et se fera adorer par le peuple. C'est l'homme miroir devenu son mauvais génie qui lui fera commettre tous les cri- mes, exaltant son moi et flattant en toutes occasions ses ambi- tions. Arrivera le jour, où la justice humaine se saisit de Tha- mal ; mais c'est lui qui prononcera sa condamnation, et déci- dera de se donner la mort pour expier ses péchés.

Dans un finale, nous retrouvons Thamal au couvent, et le voilà une fois de plus devant le miroir qui naguère avait excité sa colère. Mais, cette fois, ce qu'il y voit apparaître, ce n'est plus sa propre face. Le miroir est devenu transparent, et Thamal, au lieu de son image, aperçoit comme à travers une fenêtre lar- gement ouverte, un monde rayonnant de lumière et de couleur. Cétait le reflet de son moi qui jusqu'ici l'avait empêché de voir l'univers tel qu'il est en réalité. L'homme miroir, substituant à la vraie vision des choses l'image démesurément agrandie de son moi, l'avait mené d'illusion en illusion et en même temps de crime en crime. Ce moi n'est plus depuis qu'il a fait le sacri-

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