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NOTES 48 1

Et ce qu'il fait de mieux, sans aucun doute, c'est de raconter l'histoire de George Moore, C'est ce qu'il a fait en plusieurs vo- lumes pleins d'images du passé qui laissent une trace remarqua- blement vivante dans la mémoire du lecteur. M. Moore couve ses souvenirs avec la sereine assurance que le moindre d'entre eux, étant à lui, a une valeur unique, et il a tout à fait raison. Ce n'est pas parce qu'il a connu tant de personnes intéressantes, ni parce qu'il semble ignorer toute retenue et toute discrétion, mais tout simplement à cause de qualités personnelles qui ont le don de s'imposer comme telles, qu'il arrive à captiver l'attention par ses souvenirs, quels que soient les sujets qu'il traite. S'il rappelle qu'un jour vers l'année 80 et quelques, il mit son chapeau et alla faire un tour au jardin du Luxembourg, observa les bonnes et rentra chez lui (je n'affirme pas que ceci soit textuel, mais c'est t}'pique), c'est en quelque sorte un événement ; et ce petit épisode doit la lumière dans laquelle il est mis, uniquement à ce que la personnalité de George Moore est un phénomène sans précédent, une espèce de divertissement de la nature si l'on veut, de sorte que tout ce qu'il rappelle et décrit, quelque tri- vial et empreint de fatuité que cela puisse être à l'occasion, est quelque chose à part. Lorsque l'ancien marinier commence sa confession, il faut qu'on l'écoute. Mais le charme est certaine- ment moins puissant quand il passe de sa propre histoire à celle de créatures de son imagination. L'immense roman biblique : The Brook Kerith ', qu'il a fait paraître récemment, est un désert qui ne fleurit que pour quelques lecteurs, mais qui, pour la plupart d'entre eux, a plus de sable que de roses. Et l'on dit à présent qu'il vient d'écrire une histoire d'un miUier de pages sur le thème d'Abélard et d'Héloïse ; le livre n'a pas encore été publié, mais il lésera certainement quand paraîtront ces lignes. Et bien que nous eussions préféré un millier de pages sur le thème George Moore, quelle vitalité ne doît-il pas y avoir dans cet impayable ^ yétérân des lettres pour qu'il puisse ainsi toujours sortir des rangs dans toutes les directions, pillant les différentes époques pour y trouver la matière de son art bigarré et patient ! C'est de tout cela que V Arrivée de Gahrielle nous a fait nous

1. Le ruisseau Kerith.

2. En français dans le texte.

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